mercredi 3 octobre 2012

SUCRE, TARABUCCO, NUTCHU


pour une fois, commencons par les images... celle de Sucre prise la nuit de la terrasse de la Casa del Tronco




 vue générale de la ville, prise aussi de la terrasse de la Casa


 la Casa del Tronco...



 deux des plus beaux tissages de coopératives indigénes...



 et maintenant, Tarabucco et son marché...









SUCRE


Arrivée le jeudi 27 septembre à 14h 30...
en provenance de Potosi et en taxi.
En taxi pour 187 km !?
Ben oui, si vous avez lu avec un peu d'attention l'article précédent vous avez appris que Potosi était en pleine effervescence - grèves, blocages des routes, manifs et marches - et que rien ne permettait de savoir pour combien de jours. Seuls les taxis parvenaient à quitter la ville.

Résidence : Casa el Tronco, cal. Topater 57, 642 3195, dans le très vieux et très calme quartier de la Recoleta.  20 euros/nuit chambre double.
The must ! Une très chouette maison, dessinée, construite et tenue par Ubo et Tania, qui fait immédiatement penser à celle de Neruda à Valparaiso. Trois étages, des chambres s.d.b très confortables, une grande cuisine et terrasse qui domine tout Sucre sur 180 degrés. Beaucoup de goût dans l'aménagement intérieur comme dans le joli patio plein de fleurs.
Ubo est d'origine allemande, Tania est Bolivienne. Elle tient la maison, Ubo y participe beaucoup. Ingénieur agronome, il vit à Sucre depuis plus de trente-cinq ans et a crée avec un ami une agence pour le développement agraire durable dans la région.

Notre cantine : outre la cuisine de la Casa le soir, pour le midi : le marché central et plus particulièrement  Siete de Estrella au rez-de-chaussée, des sandwichs à se manger les doigts avec. Et pour le dessert, les petites estrades de marchandes de jus et salades de fruits.

Internet en ville : la galère. Trop d'utilisateurs ados et enfants pour des matériels qui datent passablement.

Un mot sur l'Alliance française : accueil détestable, activités : quelques cours de français mais surtout surtout un resto hors de prix. C'est ça la représentation de la France dans la capitale culturelle et progressiste de Bolivie. Un autre sur la Maison d'Allemagne : un accueil sympa, un bar tout calme, un resto pas cher et des chambres en terrasses très chouettes plus programmation musique vivante, ciné.


Sucre, la ciudad blanca, dulce como lo mielo

Elle est aussi celle de la création de la Bolivie en 1825. Quelques années plus tard, Simon Bolivar, l'immense héros national mais aussi de toute l'Amérique du sud, dira d'elle : "Cette pauvre Bolivie a connu quatre présidents en moins de deux  semaines ! Seul le royaume de l'Enfer pourrait offrir une image plus affligeante de l'humanité !"
Depuis deux ans, Sucre connaît une valse de maires...... d'où des décisions importantes à prendre pour la ville et qui ne se prennent pas, nous dit Andréa.
Mais après le sud Lipez, le Salar, Uyuni, Potosi, quelle bonne douceur !
Elle n'est qu'à 2 750 m alt., les journées y sont chaudes, les nuits agréablement fraiches. C'est une ville très vivante, elle sait préserver son patrimoine, elle est plutôt riche, culturelle et progressiste (le samedi, marche pour l'écologie, contre la contamination (nom ici pour la pollution) et le développement durable, encore impensable à Potosi par exemple.
Et puis, au moment de partir pour Cochabamba, le mercredi 3 octobre, cette sensation que Sucre nous a beaucoup moins marquée que Potosi. Plusieurs raisons à cela peut-être : la Casa el Tronco a été notre premier vrai hâvre de repos depuis notre arrivée sur le continent sud américain et c'est elle qui prime ; la ville est belle c'est indéniable mais très peu de choses à visiter "de l'intérieur"  (monuments et musée ethnologique, celui qui nous interessait réllement, fermés pour cause de travaux) ; Tarabucco puis Nutchu, un gros village-foire et un tout petit village perdu visités pendant le séjour, ont été les lieux qui nous ont les plus interrogés et touchés.

TARABUCCO

Dimanche 30 septembre
A 65 km au sud-est de Sucre. On y va en collectifs (camionnettes bus).
C'est paraît-il La Mecque des marchés de produits et objets artisanaux. Le très grand marché s'y tient tous les dimanches. En fait, c'est plus cher qu'à Sucre pour des tissages souvent moins beaux. La chance que nous avons c'est que la saison haute du tourisme est terminée depuis début septembre et que nous sommes relativement peux d'envahisseurs.
Le véritable intérêt réside dans tout le reste du marché qui s'étend jusqu'aux dernières maisons de ce gros village situé dans une très grande vallée bordée de montagnes arrondies. Un marché auquel se rendent les populations alentours et même au-delà. Une foire comme en connaissaient les campagnes françaises il y a encore quarante ans.
Des populations essentiellement indigènes aux vètements les plus colorés.
On y vient avec les petits camions mais plus souvent aussi avec les ânes et à pied, soit pour y apporter légumes, viande et objets de toutes sortes, soit pour acheter.
Ce dimanche là, sur une petite estrade dressée devant la Casa des paysans, une jeune fermme anime une action en faveur de la Carte d'Identité (elle n'existait pas avant 2005) et les Assemblées paysannes.
"Si nous n'avons pas de Carte d'Identité nous ne pouvons pas exercer nos droits d'intervenir et débattre comme citoyens"
Des hommes montent sur l'estrade, interprètent une chanson en Quechua en s'accompagant d'une minuscule guitare, des enfants et jeunes ados récitent des poèmes eux aussi en Quechua. L'assistance, nombreuse et très attentive, est bon enfant ; l'applaudissement est une chose qui n'existe pas.
Concernant les Assemblées paysannes et la Réforme agraire nous y consacrerons un article complet tant elles sont essentielles.

GUADALUPE
Nous sommes assis dans le patio du petit hôtel restaurant qui jouxte la grand' place du village. On y sert des sandwichs et de grandes tasses de café.
La cuisine donne directement sur le patio, sa fenêtre et porte grandes ouvertes. A l'intérieur nous voyons la patronne et sa mère qui s'activent. Peu de clients un petit groupe de jeunes allemands et nous.
La serveuse est toute jeune, jolie comme un coeur, charpentée comme le sont les jeunes indiennes montagnardes. Elle est vêtue de l'ample jupe noire à multiples et très fins plis, d'un corsage noire et de quelaues tout petits rubans de toutes couleurs.
Depuis notre arrivée elle nous observe. Aux regards et sourires brefs et timides qu'elle nous adresse nous comprenons qu'elle a très envie d'entrer en relation. Nous laissons venir. Elle finit par s'approcher et reste là, près de notre table, silencieuse et toute sourire.
Elle est lumineuse, d'une lumière sans aucun trouble, offerte et d'une très grande pudeur tout à la fois. Toute en attention sans prise aussi.
Nous lui disons nos prénoms, elle nous dit le sien : Guadalupe.
Elle parle à tout petit filet de voix, nous faisons de même, nous disons nos âges, elle nous dit le sien : "dos y zero", vingt ans. Elle parle l'Espagnol, elle est sans doute allée jusqu'aux premières classes de collège: Elle nous dit habiter le petit village voisin. Elles veut évidemment savoir d'où nous venons, oú sont Toulouse et Paris mais aussi la France. Nous en dessinons une carte avec les pays les plus immédiats : la Belgique, l'Allemagne, la Suisse, l'Italie, l'Espagne, l'Angleterre et aussi les mers qui bordent.
Combien de temps avons-nous mis de la France à la Bolivie ? 18 heures en avion. Elle est paraît effarée : "Tant que ça ?!"
Elle rit souvent, la patronne sourit de la voir si expansive. Nous pensons que nous représentons une image de grands parents. Ici, nous avons déjà remarqué qu'il existe une grande proximité entre jeunes et grands mères, plus difficile avec le grand père.
Et puis tout à coup elle nous demande quand allons-nous revenir.
- Revenir !?
- Oui, ici, dimanche prochain.
- Dimanche prochain nous serons loin, à Cochabamba.
- Mais pourquoi ne pas revenir ?
Nous ne savons que répondre, nous sommes désarçonnés. Elle vient de nous placer dans l'une des questions parmis les plus difficiles pour un voyageur : "pourquoi partir ?".
L'HOMME DU MARCHÉ
Je suis entré dans le marché aux légumes et fruits depuis quelques minutes, la plupart des étals sont disposés à même le sol, les allées de circulation sont étroites, cette dernière bien que très dense n'en est pas moins fluide. Je suis là, cherchant mon chemin possible, quant un homme me repousse de la main sur la poitrine, sans brutalité mais fermement, puis passe.
Plus d'une heure après je le croise dans une rue toute aussi animée que le marché, il me salut de la main.
Que s'est-il passé ?
Hypothèse. En une heure j'ai appris à circuler comme le font les gens d'ici, c'est-à-dire en restant moi-même fluide, ou plutôt comme le font les poissons qui circulent dans les courants, et en sachant m'effacer non pas psychologiquement (la psychologie du poison, même chat, reste frustre) mais corporellement. De l'art de l'évitement.

NUTCHU

Mardi 1er octobre
Une ballade, conseillée par Ubo qui en donne un topo manuscrit, du gros village de Yotala (à une petite trentaine de bornes au sud de Sucre par la route qui conduit à Potosi) au minuscule village de Nutchu, dans la vallée du rio Rayelo.
Octobre est le mois des orages, celui de cette nuit a réveillé les odeurs des plantes de la vallée, odeur des eucalyptus, odeurs de la terre encore humide et déjà chaude du soleil, odeur thérébantinée de l'arbre violet, odeurs... Nous marchons sur l'ancienne voie de chemin de fer qui reliait la région de Sucre à celle de Potosi jusqu'en 1960. Elle suit à flanc de vallée le rio Yotala et mène, sept kilomètres plus loin, au village de Nutchu. Chemin aride, bordé d'agaves, de cactus, par endroits d'eucalyptus et aussi par un arbre aux grandes graines comme des étoiles argentées. Des oiseaux roux au ventre orange nous précèdent de quelques mètres, sautillants sur les rails et les traverses.
L'étroite vallée que nous surplombons est très verte, les cultures l'ont rendue parfaitement plate. Se succèdent deux ou trois grandes haciendas, bâtiments traditionnels en U, aux murs chaulés de blanc, aux fenêtres et balcons ornés de feronneries, ouvertes sur de grands jardins et plantations parfaitement entretenus. Puis une sorte de folie architecturale en construction, monumentale et parfaitement ridicule dans le paysage (mais quel paysage l'accepterait ?), plus de cent pièces certainement, et qui précède un immeuble de six étages, lui aussi en construction et du plus pur style La Courneuve.
Sous le village de Nutchu les parcelles se réduisent, les maisons modernes se font de plus en plus modestes. Nutchu... cul de sac de fond de vallée, extraction de sable et de cailloux dans le lit du rio, champs et jardins irrigués et cultivés, deux vaches par petites parcelles. Pas de centre, des maisons de torchi ou de plaques cimentées posées sur des ruelles non pavées, un long pont suspendu accessible aux seuls piétons. A l'entrée du pont sur la droite, juste au-dessus du rio et des passages de camions chargés de cailloux, un minuscule resto-terrasse. Nous y mangeons le traditionnel  reice-papas-pollo-pimiente avant de refaire le chemin sur Yotala. 












 

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