samedi 29 septembre 2012

POTOSI ville tragique

Durée du séjour dans la ville : vendredi 21 septembre au mercredi 26 septembre, 6 jours.
Résidence : Koala Den (hostel international) cal. Junin 56, 110 euros/ nuit en chambre double très claire et calme, petits dej. compris très copieux, excellent accueil, bref un lieu hautement recommandable. Tient aussi un resto végetarien Koala cal. Ayacucho, devant la Moneda, carte variée, copieux, bon et très raisonnable sur les prix. Autre bonne adresse végetarienne, dans quartier populaire, clientèle indienne : Manzana Màgica, cal. Oruro 239, aussi hautement recommandable et encore moins chère.

Premières impressions

Potosi monte à l'assaut des collines sous la montagne Cerro Rico. Des maisons de briques aux fenêtres comme de milliers de regards le long des pentes. Dans les étroites rues du centre, des maisons et petits palais espagnols du XVIIe et XVIIIe, balcons de bois surplombants, plus ou moins restaurés. La ville est belle en son centre la nuit quand les éclairages mettent en relief les sculptures monumentales des églises et palais. Le Cerro Rico, ceint d'une ligne de lumières, dénie sa tragique et violente réalité.
Aisance et pauvreté se cotoient, une maison ravalée s'adosse à un espoir de maison dont seul le rez-de-chaussée est terminé, et puis suit une ruine.
Très animée, la ville aux rues étroites est sans cesse parcourue de voitures, mini-bus, camionnettes crachant d'épouvantables fumées noires et klaxonnant à tour de bras.
Beaucoup de femmes indigènes en costume régional traditionnel. Elles portent l'enfant sur le dos enveloppé d'une couverture. A chaque coin de rue elles installent leurs petits étalages, quelques fruits et boissons à même le trottoir. Les cotoient de très nombreux jeunes, indiens ou métis, vêtus de jean, tee-shirt et blousons, télephones portables à la main.
Défilés de fanfares, fêtes religieuses ou de coopératives de mineurs, cortèges joyeux et mouvants de collégiens.

Pêle mêle, en vrac... tristesse...

* Cette fillette de dix ans,  vêtements misérables, elle porte un sceau trop lourd pour elle dans le quartier qui monte à la mine, elle n'a déjà plus un regard d'enfant.
* Ordures souillant les rues, les terrains vagues, les bords des routes et les abords du Lano del Inca, un petit lac-volcan aux eaux chaudes.
* Coca Cola partout, envahissant le moindre village et les barraques rouges des tout petits commerces.
* Une femme aveugle avec son petit garçon et sa canne blanche, assise sur une marche, dans l'encoignure d'une porte.
* La puanteur des gaz d`échappement  des collectivos (mini-bus de ville) s'ajoute à la respiration rendue très difficile par l'altitude (4100 m).
* L'extrême pauvreté, pour ne pas dire la misère, d'ilôts et quartiers.
* Encore un mineur mort il y a quelques jours, cette fois non pas d'un effondrement de galerie mais d'une mauvaise manipulation de la dynamite.
* Pas d'eau, pas d'électricité, pas de tout-à-l'égout dans les quartiers habités par les mineurs. Des camions citernes livrent des containers d'eau mais c'est irrégulier.
* Les familles de mineurs ont douze à quatorze enfants. Dès le début de l'adolescence les garçons cescendent dans la mine.
* Petits boulots, des jeunes garçons vendent un peu n'importe quoi, klaxon à la main pour avertir le client.
 Ce qui me touche dans le regard de cette gamine - mais je ne la vois plus comme une enfant - c'est le poids de la fatalité de la misère, comme un destin déjà tout écrit.

... mais...

Ce matin, la ville est entièrement bloquée, blocs de pierre barrant les rues, boutiques closes, rassemblements aux moindres carrefours.
C'est un mouvement pour demander la nationalisation de la mine, seul moyen pour obtenir enfin des conditions de travail un peu décentes. De petits groupes de trois à huit personnes, femmes d'un côté, hommes de l'autre, écrivent sur des cahiers préparés par les syndicats leurs doléances, leurs revendications. Un mouvement déclanché au niveau départemental par les syndicats et qui, nous l'apprendrons quelques jours plus tard par les journaux (nous serons alors à Sucre), va donner lieu à une marche sur La Paz, entraînant d'autres villes, d'autres régions.
Un mineur rencontré à Potosi, il est aussi guide dans la mine pour les touristes (nous reviendrons plus loin sur ces visites organisées dans la mine).
40 coopératives, 4000 mineurs coopérateurs, 14 000 mineurs ouvriers. Il dit qu'avant Pinochet la mine était nationalisée, école et hôpital étaient gratuits, maintenant c'est terminé, les écoles sont souvent privées et il faut alors payer les fournitures scolaires. Il est pour les visites de touristes, ça rapporte de l'argent et du matériel. Ils manifestent pour de meilleurs conditions de travail mais ne sont pas écoutés. Il dit que le gouvernement d'Evo Morales n'est pas bon - il fait le signe de trancher la gorge - qu'il a accentué la division entre les villes et les campagnes, que maintenant il n'y en a plus que pour les paysans, selon lui narco-trafiquants, et que Morales est chef de cartel (ce sont des arguments très largement utilisés et répendus par les parties de droite et d'extrême doite ainsi que par l'église catholique et les propriétaires et politiciens au pouvoir dans la région de Vera Cruz).
Il dit encore qu'ils vivent jusqu'à 40 ans, pas plus, et meurent de la silicose et autres intoxications. Soixante morts par an au Cerro Rico, mais personne n'en parle. Au Chili, les mines sont équipées de lieux avec une bonne alimentation et d'équipement de survie en cas d'accident, c'est ce qui a sauvé les mineurs retenus bloqués pendant plus de trois semaines l'an dernier. Mais ici, en Bolivie, rien.
Deux étudiantes rencontrées, la première à Potosi, la seconde le lendemain à Sucre.
Arielle, Française, étudiante en école supérieure de commerce, s'oriente dans la finance internationale au service des ONG et commerce durable.
C'est son second séjours de deux mois à Potosi. Dans le cadre d'une ONG, elle travaille avec les enfants et ados mineurs : aide scolaire, action culturelle. Cette action la passionne.
Combien d'enfants travaillent dans la mine ? Elle dit ne pas en connaître le nombre mais il y en a beaucoup. Les conditions de travail sont très dures, ils descendent dans la mine le matin pour 4 heures de travail et viennent à l'école l'après-midi ou inversement. "Ils sont joyeux et avides d'apprendre, ils veulent devenir médecins, ingénieurs, ce n'est pas de l'ordre d'un rêve mais d'un espoir".
Ce que veulent la majorité des mineurs et des syndicats ? La nationalisation, seul moyen pour sortir de la dépendance aux coopératives pour ceux qui en sont ouvriers et de l'isolement complet pour ceux qui travaillent pour leur propre compte.
Andrea, elle est Bolivienne et étudiante en seconde année de médecine à Sucre. Elle donne des cours de français pour enfants à l'Alliance française. Veut se spécialiser en gynécologie.
Les personnes fortunées de Potosi n'investissent pas leur argent dans leur ville mais à Sucre. Elles achètent à Sucre, y bâtissent des immeubles de rapport qui défigurent la ville. 
La mentalité bolivienne est très fermée, surtoout dans les campagnes où l'emprise de l'église catholique est toujours très forte. Les hommes ne vont pas chez le médecin et encore moins les femmes. La contraception comme l'avortement sont encore très loin d'être possibles. Les filles sont enceintes très jeunes, à partir de 14 ans.  Les mentalités en ville sont plus ouvertes.
Le machisme est un frein à l'évolution. Beaucoup de femmes mais aussi d'enfants battus. Porter plainte est inenvisageable pour la très grande majorité d'entre elles.
Des médecins de l'hôpital cherchent à lier médecine traditionnelle (naturelle) et médecine moderne. Les étudiants en médecine, dans leur cursus, vont travailler dans les quartiers pauvres pour comprendre ce qui freine et apporter de l'information.

Potosi, pour nous : une bascule dans notre voyage

Nous savions que la situation sociale, économique, politique en Bolivie était tout à la fois dans une grande précarité et dans un grand espoir de changement déjà engagé depuis l'arrivée au pouvoir d'Evo Morales et son gouvernement. Mais une chose est de s'informer en amont du voyage, de lire articles et livres, une autre est de se retrouver directement en contact avec la réalité et ses contradictions et rapports de force.
Par exemple, avant de partir nous savions déjà que nous n'irions pas "visiter la mine". Le voyeurisme et la recherche d'émotions peux en accord avec la moindre des dignités se développent. Cette visite en fait partie, même si les mineurs en sont demandeurs ; visites organisées par des agences qui leurs reversent avec une immense générosité... 15 % des montants perçus.
Ces mineurs n'ont pour espérance de vie que 10 à 15 ans de travail dans la mine.
Des enfants y sont au travail.
Huit millions d'indiens et noirs esclaves morts entre 1545 et 1825. Huit millions ! Certes, en ces temps ou le culte du progrès n'existait pas encore ont tuait moins vite que pour les cinq millions de juifs morts pendant la seconde guerre mondiale, les moyens techniques et de masse ne permettaient pas encore de faire des records... Mais peut-on seulement se représenter une telle chose ? Donner à la mort de masse, au génocide, une représentation ?
Et que dire de ces soixantes morts par an maintenant ? De cette chose qui continue au goutte à goutte, comme si l'ignomimie, la grande bête malade continuaient de suinter ? et pour combien de temps encore ?
Le Cerro Rico, cette montagne percée de plus de 600 galeries, dont beaucoup ne sont pas même étayées, menace à court terme de s'effondrer sur elle-même. Et sur la ville ?

Que cherchons nous en allant visiter de tels lieux ? Le plus grand nombre de touristes viennent à Potosi uniquement pour cela, n'y restent qu'une à deux journées, certains disent y faire "une aventure sportive" (descendre dans les galeries où il faut ramper, supporter des chaleurs très élevées, respirer des poussières nocieves, mettre un masque, des combinaisons fluos et offrir aux mineurs... des bâtons de dynamite).
Il est vrai qu'il est beaucoup plus simple d'être du côté des vainqueurs que du côté des vaincus.

Et pourtant, comment ne pas aimer Potosi ? 
 Nous nous en rendrons compte en arrivant ensuite à Sucre. Non pas que Sucre soit moins belle ou encore moins riche, bien au contraire, Sucre est oppulante, du moins en son centre.  

C'est que Potosi oblige à la mise à distance de notre regard avec sa réalité. Il y fait froid la nuit, souvent aussi le jour. On y respire difficilement à cause de l'altitude (les trois premiers jours on halète littéralement après le moindre effort) mais aussi de la contamination (c'est ainsi qu'ici on nomme la pollution). La vie y est dure et il faut rester dans cette vill au moins auelaues jours pour se mesurer à elle et à ses propres résistances. Et puis, peu à peu, quelque chose se détend, une forte contracture se relâche et alors on se prend à l'aimer cette ville, à l'aimer sans apitoiement ni complaisance pour elle comme pour soi-même, les rues hors du centre deviennent autres, les gens ne sont plus une masse d'où se détacherait le spectacle de la misère, de la mort par accident. Lâcher le face à face pour la tendresse possible du regard en biais ?












  

 

mardi 25 septembre 2012

SAN PEDRO DE ATACAMA, SUD LIPEZ, SALAR, UYUNI

oups! tout ca d'un coup !?

ben oui, ca forme comme un tout pour le voyageur, un tout multiple avec surprises et coups au coeur à presque chaque tournant
bien, essayons de ne pas nous perdre...

SAN PEDRO DE ATACAMA

vendredi 14 à lundi 17 septembre

A 2400 m/alt, en plein désert montagneux, s'étendent de larges plateaux. Un rio, véritable miracle, donne vie à plusieurs oasis dont le plus célèbre : San Pedro de Atacama. Deuxième miracle, encore que l'on puisse s'interroger à ce sujet, ce village perdu regorge de touristes, d'échoppes dans le centre, d'objets à acquérir tous plus authentiques les uns que les autres, d'agences proposant des activités allant du surf-dunes aux parcours astronomie mais aussi visites de sites, parcours dans le Salar, de restaurants du plus boui boui au plus sélect et d'hôtels itou.

A propos d'agences et de leurs activités : celles vantant leurs 4 heures de "parcours astronomie" jouent sur la renommée très justifiée des observatoires scientifiques isolés dans le désert, les plus grands au monde. En fait de parcours vous avez droit à trois heures de baratin sous sous Science et Vie et une petite heure de manipulation de lunettes pour petit astronome de jardin de banlieue (pardon pour la banlieue), tout ca pour la modique somme de 25 euros/personne. Vous avez dit "arnaque" ?
La vie nocturne est très agittée, les sonos peuvent hurler jusqu'à 4 ou 5 heures du mat'
Nous sommes dans l'un de ces multiples temples du tourisme de masse qui se développent dans le moindre recoin de la planète. Tout ou presque y est cher, en tout cas plus du double de ce que l'on peut payer à Iquique ou Valparaiso.

Mais mais mais, y rester trois ou quatre jours pour se balader à pied ou en VTT dans les montagnes  et villages alentours... ne boudons pas notre plaisir. Alentours : murs en pisé, maisons de même, la poussière ocre jaune qui se soulève à chaque pas, le climat chaud et agréable, les roches déchiquetées, ravinées, rouges sous le soleil couchant, les plateaux supérieurs totalement désertiques d'où surgissent d'ètranges crètes de cristaux de roche, et puis toujours ce rio qui ne cesse d'étonner par sa vitalité.

Un oasis ca permet de se poser et de préparer la suite du voyage en bénéficiant de ses erreurs passées. Morale de l'histoire : faire des choix qui tiennent compte de la fameuse règle de trois - les désirs, les possibilités offertes, les contraintes temps/budget - et s'organiser en conséquence permettent de ne pas sombrer dans la ruine financière et morale, hi hi !
Enfin, n'oublions pas que c'est, entre autres possibles, de San Pedro qu'on peut partir pour le Sud Lipez, le Salar et Uyuni en Bolivie.

Résidence : Hostel Eden (auberge internationale), 33 euros/nuit en chambre double donnant sur un jardin avec des arbres (incroyable !) auxquels se balancent mollement des hamacs. Mais un coin cuisine plus que sommaire et sombre. Eau chaude suffisante vue la rareté du précieux liquide. Bref, nous recommandons.

Un resto très sympa (grande photo de Victor Jaja dans la salle à manger), accueil simple et sans chichi, cuisine simple et bonne, prix très convenables pour voyageur sévertuant à voyager léger : le Rent a bike (ok, le nom n'est pas vraiment génial), calle Tocopilla 418.

 





SUD LIPEZ et SALAR D'UYUNI

mardi 18 au jeudi 20 septembre

Que dire de plus que ce qu'en rapportent ceux qui ont déjà fait cet étonnant voyage et ce qu'en vantent les guides et agences ? Que c'est encore plus beau que ce qu'on en espère ?
Comment imaginer tant de beauté ?
Nous prenons des photos, certaines seront belles, voire intrigantes ou simplement curieuses mais pourront-elles faire ressentir cet univers à d'autres auxquels nous les donneront à voir ? L'immensité de cet espace, sa densité, ses profondeurs, ses couleurs et changements de couleurs aux prises avec les variations de lumière du ciel, du vent, de la poussière soulevée ou non, du mouvement de la poussière, du bruit permanent du vent, de la densité du froid, de notre propre capacité et propre disponibilité à percevoir ?
Certains tableaux de Dali, ses paysages d'avant les afféteries, ou de Max Ernst le permettent peut être.

Trois 4x4 Land Cruser, seize compagnons de route aux nationalités multiples, tous jeunes, trois conducteurs-guides boliviens (l'agence Estrella del Sur est bolivienne) pour quatre jours de voyage. Liliane et moi n'en ferons que trois, notre but est aussi d'atteindre Uyuni afin de poursuivre ensuite en Bolivie, alors que le quatrième jour est fait pour regagner SanPedro de Atacama.

Premier jour, ciel couvert, vent réellement terrible, absolument glacial et il le restera quand, en début d'après midi, le ciel se dégagera.
Il y a désert et encore plus désert.
cailloux cailloux cailloux cailloux cailloux cailloux cailloux cailloux cailloux kilomètres et kilomètres de pistes roche fractures cailloux cailloux roches zones entièrement rocheuses lave coulées de lave poussière noire poussière grise poussière froid froid froid cailloux
lagunes
lagune verte, lagune blanche, lagune blanche et rouge, coloration par minéraux, le noir du plomb, le vert de l'arsenic, le blanc  du nitrate, le jaune du souffre, le rouge des algues et des planctons, le rose des milliers de flamands qui se nourrissent des algues et du plancton, pattes noires ou jaunes ou noires et jaunes selon l'espèce
Refuge glacial, pas de chauffage malgré les -15 degrés affichés pendant la nuit et avec pour seule eau un goutte à goutte qui congèle les mains.

Deuxième jour, ciel splendide, vent calme, température presque début de printemps.
Ici plus rien ne pousse, les montagnes s'arrondissent sous le sable, les roches se tordent, cherchent le ciel qui les repousse, fumerolles de volcan, neiges sur les sommets au loin, poussière et sable, poussière de lave, sable d'une mer qui fut, les conducteurs s'avèrent d'une maitrise et d'une concentration qui ne relâchent pas pendant les plus de huit heures du parcours, Saül en particulier qui tient aussi son ròle de guide à la perfection.
Hotel de sel, construit en briques de sel. Toujours pas de chauffage mais un arrangement intérieur qui ouvre au relachement de corps secoués par les heures de pistes. Formidable repas préparé par des femmes indiennes qui vivent ici en permanence. Et même du vin rouge bolivien !

Troisième jour...
nous l'attendions ce Salar, ces 12 000 kilomètres carrés de sel...
sel ou glace à perte de vue ?
il faut que le pied se pose pour en sentir l'âpre dureté plane, immensément plane, rien d'autre
blanc blanc blanc blanc blanc blanc blanc qui se teinte parfois d'un très léger - ô, si léger ! - rose ou gris
et le bleu si profond, presque insoutenable du ciel
souffle coupé puis, peu à peu, s'éloigner un peu des voitures, oser se confier à cette immensité silencieuse.
La sensation est si forte que le début d'un pleur vient s'immiscer.
L'Isla, petit bout de roche de corraux pétrifiés au milliers de cactus, invraisemblablement dressée - à moins qu'elle ne soit que doucement posée, mais par quelle main ? - dans ce désert, s'offre comme îlot-refuge aux navigateurs roulants.

Mais même un désert a une fin, si, si, et l'une des fins est Uyuni, petite ville située à sa bordure en Bolivie.










 

UYUNI

... la claque !
En moins de temps qu'il ne faut pour s'en rendre compte, la voiture ne roule plus sur du blanc mais sur une route-piste qui traverse des étendues dépotoirs et entre enfin dans un faubourg misérable. Le centre de ce bourg s'avèrera ensuite plus accueillant. Mais, pour qui espère trouver un peu de chaleur dans les rues ou l'hotel, la déception sera grande.

A la périphérie du bourg, le cimetière des locomotives. Tournés sur deux lignes de railsqui vont - ou devaient aller - vers le sud, vers l'Argentine, les locomotives, wagons charbon et wagons de voyageurs ou de marchandises, ensablés jusqu'à mi roues, masses rouillées, ont stoppé définitivement leur course en 1960. Avec les villes et mines fantômes du désert d'Atacama au Chili, voici les trains fantômes de Bolivie. Nous en rencontrerons d'autres.

Une jeune visiteuse francaise s'exclame : "C'est ennuyant tout ce rouillé !"
Fermez le banc.











dimanche 23 septembre 2012

CHILI, QUELQUES COMMENTAIRES...

... et observations, bien que le connaissant si peu.

Allez, hop, osons !
1ère observation de base : cest un pays fort vaste et surtout tres tres lonnnnnnnnnnnnnnnnnnng.
2e observation : très très longue histoire, fort riche, fort mouvementée et culture/s exceptionnelles/s
3e : aujourd'hui des enjeux économico(et financiers)-socio-politiques considérables, le pays continuant une expansion économique comparable à celle du Brésil.

Mais
ah, ces mais jamais contents !

une richesse très mal partagée (ce qui n'est pas original)
1% des femilles chiliennes concentrent plus de 30% des revenus totaux du pays et ne paient pas d'impôts (tiens, eux aussi ?!) , 60% des chiliens vivent avec moins de 1 160 euros/mois pour les mieux lôtis. Le coût de la vie, sauf pour l'alimentaire, est comparable 'a celui de l'Espagne.
Michèle Bachelet a dirigé le pays de 2004 à 2010. C'etait la première fois, après Allende, que le pouvoir était tenu par une socialiste. Au Chili, on ne peut se représenter immédiatement après une première mandature. Actuellement, la présidence est tenue par Sebastian Piñera, avec un Parlement largement à droite. Lui-même est au parti centre-droit. Il est surnommé "Le Berlusconi chilien", homme d'affaires et très grande fortune.
Face à la contestation étudiante qui, depuis un an, ne cesse de s'amplifier - "une éducation gratuite pour tous !" couvre nombre de murs et banderolles - il a déclaré :

"L'éducation est un bien de consommation comme les autres"
idem d'ailleurs pour la santé et le logement.
Le coût des études a atteint des sommets que la plupart ne peuvent plus suivre. Par exemple, l'inscription à la faculté de journalisme (public ou privée, les meilleurs fac étant les catholiques) est de 6 300 euros /an, celle de médecine 7 200 euros/an, les moins chères étant les écoles d'art.
Conséquence . les familles empruntent aux banques à des taux qui font chaque année la culbute. Parvenir à rembourser son emprunt est devenu un voeux pieux pour la grande majorité.
Avant Pinochet l'éducation était gratuite. La Constitution qu'il a mise en place n'a pas été changée à ce jour.
L'Etat ne finance que 14.6%  de l'enseignement supérieur. C'est le plus faible taux des 34 pays de l'OCDE :
France 81.7%, Allemagne 85.4%, Mexique 70.10%, USA 37.4%.
Ainsi, la charge des études repose pour 79.3% sur les familles chiliennes.
Manifs, grèves, occupations de locaux ne cessent de s'étendre. Journaux et même télévision relaient maintenant l'information sur ces mouvements, y compris les cas de plus en plus fréquents de violences policières pouvant aller jusqu'aux viols.

La situation des communautés indigènes.
Les populations indiennes sont encore assez nombreuses au Chili, sans pour autant représenter la majorité de la population du pays comme en Bolivie ou au Pérou. Elles vivent pour l'essentiel dans la Sierra Madre du centre et du sud, plus vivable que le grand désert d'altitude du nord.
Promesses, effets d'annonce, manifestations telle cette première "Feria des femmes indigènes" que nous avons évoquée dans l'article "Santiago" ne sont que des caches misère. Les peuples indiens restent très déconsidérés par toute forme de pouvoir, ils sont "difficilement intégrables dans un Chili moderne". A la déforestation massive des territoires dans lesquels ils vivent s'ajoute, par l'Etat et les grandes sociétes privées, la captation des ressources en eau, une eau dont le pays ne peut d'ailleurs se passer dans les proches années à venir. Cette captation se fait sans aucune concertation avec les populations des territoires.
Les Mapuches, un grand peuple que les espagnols n'ont jamais pu mettre à genoux, se soulève, armée et police interviennent, c'est aujourd'hui une véritable guerre armée qui se livre dans les montagnes, dans un grand silence des médias comme du pouvoir. Il y a là matière à s'informer d'avantage.

Un très bref séjour, trois petites semaines, sur le seul 1/3 nord du pays de Santiago à Iquique puis bifurcation vers San Pedro de Atacama, c'est bien mince pour rencontrer un pays. Prendre l'avion pour franchir plus vite les très grandes distances et se donner ainsi la possibilité de "voir plus" ? Mais c'était nous priver de ces plusieurs heures de parcours en car dans le désert d'Atacama : roches, poussière de lave, côte Pacifique. L'idéal eut été de louer un véhicule 4x4, seul moyen avec le vélo pour parcourir ces immenses distances en s'arrêtant quand l'envie (ou le besoin...) s'en fait sentir. C'était un peu hors de nos moyens légers. 

lundi 17 septembre 2012

HUMBERSTONE y SANTA LAURA

HUMBERSTONE, SANTA LAURA

villes et mines fantômes de l'Altiplano

Jeudi 13 septembre. A 80 km d'Iquique, dans l'Altiplano (désert d'Atacama), se découvrent, totalement isolées dans ces espaces sans fin, les mines de saltritera, le nitrate nécessaire à l'agriculture avant que viennent les engrais pétroliers. Ces mines sont fermées depuis les années soixante, la plus grande d'entre elles est Humberstone, mise en valeur sous la forme d'un écomusée.

L'entrée dans le lieu s'accompagne d'une forte émotion, d'un sentiment de ruine : nous sommes ici dans les traces encore toutes visibles de ce qui fut une part importante de l'histoire sociale et industrielle du Chili, milieu du XIXe siècle à celui du XXe, mais aussi de toute celle des sociétés modernes.

1858, ouverture de la première mine, la Officina Santa Laura, par un Chilien.
1872, rachat par la Wendell Cie (anglaise).
1875, conquête de la région par le Pérou, guerre du Pacifique finalement gagnée par le Chili (voir Arturo Prat, figure légendaire).
1888, The London Nitrate Cie (toujours anglaise).
1929, récession, La Crise, l'Etat chilien nationalise en partie.
1959, la mise devient définitivement propriété de l'Etat.
1961, fermeture de la mine. Actuellement, l'Altiplano est exploité pour le cuivre, mines nationalisées, ressource principale du pays.
1973, Pinochet en arrivant au pouvoir verse de lourdes indemnités aux entreprises anglaises "spoliées".
Aujourd'hui, des partis de droite font lobbying pour la privatisation des mines.

La première installation du XIXe sècle est un concentré de société ouvrière avec maisons en courrées pour les familles des mineurs, école, église, magasin général. Un peu plus de cinq cent personnes y ont vécu.
En 1907 éclate dans tout le nord du Chili une grande révolte ouvrière. Elle est très fortement réprimée et donne lieu à un massacre de plusieurs centaines d'ouvriers par l'armée et la police, surtout dans la escuela Santa Maria de Iquique. Les ouvriers, dont toute la vie appartenait à la mine, touchaient un maigre salaire dépensé pour l'achat au magasin, appartenant à la société de la mine, des produits alimentaires, chauffage, éclairage, eau,... Idem en Europe... Après cette période les syndicats se renforcent et, en 1934, ils obtiennent des magasins indépendants. 
La mine se développe. Création d'un hôpital gratuit, d'une école publique, d'un hôtel (attention : pour les hommes d'affaires et ingénieurs en visites), d'un théâtre. Recrutement d'ouvriers sans femmes ni enfants, logés dans des courrées avec gardien à l'entrée.
Sous un soleil torride, il reste des ruines industrielles dont les énormes machines outils portent le nom de villes anglaises - Glasgow, Liverpool,... - de la grande époque de l'industrie lourde et des machines à vapeur. Impressionnants restes rouillés, excavations, tracés des voies de chemin de fer, toits des batiments en partie éventrés, grande cheminée, fours,... L'approvisionnement de cette ville perdue en plein désert se faisait depuis le port d'Iquique par chemin de fer mais aussi depuis l'Argentine.

Nous signalons l'intéressant article de Diane Scott, paru dans la revue Vacarme (N 60), sur les ruines modernes et notre rapport à l'Histoire.

















dimanche 16 septembre 2012

IQUIQUE

mardi 11 septembre, après 26 heures de route, les jambes un peu flageolantes, la tête légèrement dans le tourni.

résidence : Blackpacker's hostel (auberge internationale) calle Amurrategui 2075
30 euros/nuit en chambre double avec très grand lit (divin après les fauteuils couchettes du bus) dans une auberge située face à l'océan. Résidents jeunes, en majorité Australiens et surfeurs. Ambiance décontractée.

De qui, de l'océan ou de la montagne, aura raison d'Iquique ? La ville est située sur une bande de roche et sable de 2 km de large sur environs 8 km de longueur du nord au sud. Elle ne peut plus s'étendre : l'océan la tient sur toute la longueur en ouest, la montagne la contraint sur toute la longueur en est et à chacun des deux bouts nord sud. Un océan aux vagues puissantes, bénies des surfeurs et des promeneurs, une montagne de pierre et de poussière qui se dresse immédiatement sur 500m de dénivelé. Nous sommes en plein désert d'Atacama, jamais de pluie, souvent des nuages. C'est le grand port du nord du Chili, une ville très vivante dont seul le centre garde quelques bâtiments fin XIXe, ce toujours grâce aux tremblements de terre.

La Plaza Prat (qui est Arturo Prat ? allez voir sur google) et les rues adjacentes sont très agréables, ouvertes, il y fait bon se balader. La rue Anibal Pinto qui va de la place à l'océan est bordée de maisons de bois qui lui donnent un petit air de western chic. Le centre culturel qui s`y loge présente pour quelques mois encore une très belle exposition de textiles indigènes : manteaux cérémoniels, ponchos, ceintures et écharpes, chapeaux aux motifs et coloris de toute beauté. Sur la place le théâtre - chichi en diable - et surtout le Casino Español, une sorte de folie mauresco-andalouse oú pour 1,50 euro on peut, assis nochalament dans de grands fauteuils club, boire un café dans des tasses en porcelaine, entouré de motifs mauresques et de représentations en grandes dimensions de la Rédition de Grenade (les latinos américains ont le don pour rappeler les avatars de la courronne espagnole) et des scènes les plus épiques de Don Quichotte.
Toujours sur la place, un ancien mineur (81 ans, 31 passés dans la mine) présente sur un plateau de 3m x 1.50 m une ville et sa mine en réduction. Rien de ce qui est important pour un mineur n'est oublié : le terrain de foot, les gosses qui jouent dans les rues, le cinéma et le bistrot, la gare et, surtout, la mine de nitrate à ciel ouvert et l'ensemble des bâtiments, machines, excavatrices et camions-bull, les hommes au travail, les femmes dans les courrées.
Et tout cela s'anime, fait du bruit, s'éclaire. Le bonhomme ne demande pas d'argent (tout juste un petit tronc inséré dans l'ensemble), il est disponible pour parler de son chef-d'oeuvre à qui veut bien s'y intéresser.
Ca nous prépare tout naturellement à "la suite au prochain numéro"... Humberstone.