vendredi 30 novembre 2012

LA UNION - site Inca de HUANUCO VIEJO


Mercredi 28 novembre. La route de Huanuco á La Union est impressionnante : trés étroite - le bus doit s'y reprendre á deux ou trois fois pour passer certains virages en épingle á cheveux - frölant des abimes vertigineux, sinueuse en permanence. Nous parcourerons les 200 km en 7h au lieu des 5 h annoncées. En fait, nous comprenons aprés coup que les compagnies de bus annoncent une durée qui ne tient pas compte des multiples arrëts pour laisser descendre ou monter les usagers des villages et pour celui du délicieux arrët pipi-casse-croute.
Sur le point de basculer tout en bas lá-bas dans le torrent qui gronde, une voiture. Son insouciant conducteur a tenté d'en doubler une autre ; passagers et conducteur ont eu heureusement la possibilité de s'en extirper puis de l'attacher avec une corde á un arbre (ce aui semble trés symbolique, l'arbuste est malingre...) afin qu'elle ne poursuive pas une chute déjá bien entamée. Engueulade de ceux-ci avec le co-conducteur de notre bus qui exige que la corde soit un moment défaite afin que le bus puisse passer. Des menaces - couper la corde - font force de loi, les noeuds sont hativement défaits, nous passons, laissant la voiture á sa corde renouée, son arbuste tremblotant et son vertige á nouer les tripes.
LA UNION, un bourg au fond du fond d'une vallée encaissée ou roulent et rugissent les eaux d'un torrent furieux. A peine mettons-nous les pieds hors du bus que l'orasge aui menacait depuis belle lurette éclate. Il est 14h, le déluge se poursuivra sans discontinuer jusque tard dans la nuit. L'hotel "pas cher et bien sous tous rapports" annoncé par le Lonely est fermé, nous en prenons un sur la plaza del mercado, trés spartiate et vraiment pas cher (30 sol/nuit). Il est tenu d'une main de fer par une gamine d'á peine quatorze ans et son frére qui n'a pas dépassé les 11.
Le lendemain matin 6h, ciel bleu. Nous prenons un taxi pour, en quarante minutes, monter par une piste au site de HUANUCO VIEJO. 
LE PARADIS EXISTE, NOUS Y SOMMES ALLÉS
C'est lá, sur la pampa de La Union, á 3700 m d'altitude.
Fermez les yeux, imaginez. Un vaste plateau, une immense prairie oú coule en bruissant un adorable torrent  á l'eau cristaline. Des troupeaux de chevaux s'y ébattent, de vaches y broutent et meuglent en harmonie (en ré pour etre plus précis), de moutons y moutonnent tout comme comme moutonnent aussi les jolis nuages qui parsément de leur délicate blancheur un ciel joyeux et lumineux. De loin en loin une ferme, tout lá bas un village, on entend trés loin le choc d'une masse sur une enclume, l'appel d'un paysan qui rassemble ses poulains. Le coeur fond, l'esprit vacille, tout respire la paix, je le jure je ne ments pas.
Et au centre de cette étendue vibrante et calme, les ruines de l'une des plus grande cité Inca. Elle a abrité jusqu'á 30 000 habitants !
C'est ici que le dernier Inca, Illa Tupac, a tenu tete pendant de longues années, jusqu'en 1543, aux conquérants espagnols, avant d'étre défait et de mourir écartelé.
De la cité il reste assez peu : la citadelle temple aux hauts murs, trois portes de pierre ouvertes au ciel et au soleil, des murs qui courrent sur plus de deux cents hectares, des vestiges d'auberges pour soldats et commercants de passage, les thermes de l'Inca, l'étendue d'une lagune artificielle.
Il n'y a pas á dire, ces gens lá savaient ce que vivre veut dire jusqu'á ce que l'envahisseur leur apprenne ce que mourir veut blablater.
A midi, éblouis, nous redescendons á La Union pour prendre le car qui nous emportera á Huaraz. Cent vingt kilométres, 5 h 30 de route, deux passages de cols á prés de 5000 m dont l'un sous généreux flocons de neige mais ca y est on a l'habitude, nous gardons un franc et joyeux sourire. 
Ci-aprés, photos :
- la route de Huanuco á La Union





En attente pas loin de La Union...

Maintenant tout près du Paradis ( Huanuco Viejo, la pampa de La Union)... 


Voilà, c'est là !


 Nous y croisons Jacob...






 terrasses pré incas...

 tout en bas La Union...
 et Elle et Lui sanctifiés de la tête aux pieds...
 avant de retrouver l'Enfer des routes et pistes vers Huaraz...




 ... Huaraz, là-bas, au loin, très loin.
  

lundi 26 novembre 2012

Pérou, observations 2012 - art. 6 : discriminations, violences femmes et enfants


Violences faites aux femmes et aux enfants á partir de la réalité d'une ville péruvienne, celle d'Ayacucho.  

Le vendredi 25 novembre 2012, alors que nous résidons pour quelques jours dans cette ville des hauts plateaux andins, nous assistons au défilé d'associations de défense des femmes et des enfants. C'est la journée nationale contre la violence faite aux femmes (ca ne semble pas, au vue des médias, presse et TV, etre une grande cause nationale sauf sous son aspect "les petits drames du quotidien").
Nous engageons le contact avec deux associations qui nous paraissent etre les plus actives. du moins ce jour lá.

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES
Le Centro de Emergencia de la Mujer Huamanga
calle jr montessori 108

L'entretien se fait dans les bureaux de l'association.
Sont présents : 
Edith Ortez Contreras, responsable et militante bénevole, professeur á l'Université de psychologie et communication;
Victor Oriundo Medina, avocat;
Diana Lizarbe Alarcón, secrétaire de l'association. 

Synthése de leurs propos :

La situation ici á Ayacucho est un peu particuliére, elle tient á l'histoire de cette ville. Mais elle tient aussi á deux grandes causes générales au Pérou des violences faites aux femmes et aux enfants : le machisme et l'alcoolisme.
(nous faisons remarquer que ces deux causes nous ont été aussi indiqués en Bolivie)

La particularité de notre région qui en fait l'une des premiéres dans la violence faite aux femmes est qu'elle a subi plus de vingt années de violence terroriste et politique. De 1980 á 2003, ici furent les années noires du Sentier lumineux et de la répression par l'armée. La trés forte violence á laquelle furent soumises les populations a eu des conséquences sur leur vie, leurs maniéres de faire et d'étre en relation avec les autres, en particulier ceux sur qui ils ont un pouvoir de domination possible au quotidien : les femmes, les enfants. Ici la torture du fait des tesrroristes comme de l'armée et de la police était instituée, normalisée et ca a eu des conséquences dans la vie sociale et la violence familiale. 

Il y a une différence entre les villes et les campagnes mais, dans les deux cas, la pauvreté est aussi un facteur de violence. La situation est encore plus compliquée dans les campagnes oú l'accés aux moyens de défense est plus réduit, voir inexistant par endroits. Inégalité de moyens entre localités, entre régions.

L'avortement est illégal, sauf en cas de viol (tout comme en Bolivie).

Police, Justice. La police n'entend pas les violences faites, elle n'est ni sensibilisée ni formée.
(nous indiquons qu'en Bolivie il existe des sections dans chaque ville spécialisées dans les violences familiales mais que le probléme reste entier dans les villages et territoires de campagnes)
Les affaires ne sont pas suivies, elles passent de main en main et se perdent.
Les sentences sont incomplétes quand elles passent devant la justice, surtout si, au moment des faits enregistrés par la police, il n'y a pas eu présence d'une association de défense des droits.
Il n'existe pas de réelle reconnaissance des victimes, de leurs droits.
Certes il y a un organisme d'Etat "Famille - Droits de l'Homme" avec un programme national contre les violences mais il est á Lima et Lima c'est la capitale, loin des campagnes et de villes reculées comme la notre.
De plus, Lima est une ville oú la violence s'exerce le plus fortement et qui, par conéquent, mobilise le plus le peu de forces mises á disposition.
Poursuivre quand il y a assassinat est possible s'il s'agit d'un proche mais reste trés difficile en d'autres cas : la police ne poursuit pas l'enquete.

Quels sont vos moyens d'action ?

- Se référer á la Constitution et au programme national "fiscalia familia" pour exiger la protection des victimes et la judiciarisation des délits.
- Faire appel, quand il y en a un, au "commissaire de la famille" pour engager les moyens policiers et d'investigation.
- Etablir des liens soutenus entre associations, suivre á plusieurs un meme cas, faire information et publicité.
- Ici, á Ayacucho, nous avons la chance d'avoir un ministére local, une justice et une police regroupés sous une meme direction, notre travail en est considérablement renforcé.
- Agir au niveau gouvernementale pour améliorer et renforcer l'information.
- Ici existe un lieu refuge d'accueil pour les femmes battues mais il ne peut accueillir que trois ou qutre personnes, ce qui est trés insuffisant.

Y a t-il du racisme au Perou ?

rires : nous sommes tous bruns de peau !
(nous faisons remarquer qu'en Bolivie le racisme se manifeste vis á vis des indigénes et des populations des campagnes)
Ici, c'est la ville contre la campagne, les gens des campagnes sont méprisés par les grandes villes.
Il y a un probléme pour la vie démocratique : les campagnes étaient les territoires d'action et de refuge du Sentier lumineux, de lá á en faire les alliées des terroristes... Il n'est pas assuré qu'en cas de forte contestation sociale et politique par les populations des campagnes, l'armée ne retrouve pas ses vieilles habitudes qui sont d'abord celles de la répression brutale.
Le Pérou est encore tourné vers son passé, n'a pas encore fait véritablement  oeuvre de mémoire historique. Heureusement, il a sign'e tous les protocoles internationaux concernant les droits de l'Homme et du citoyen.

Depuis cette rencontre, nous avons appris qu'un racisme trés important s'exerce á l'encontre des noirs (descendants d'esclaves) qui représentent 7% de la population. C'est parmis eux que l'on trouve la plus forte proportion de pauvres et trés pauvres. Ils sont relégués aux taches de domestiques, trés prisés par la grande bourgeoisie qui les trouve seyants en uniformes de majordomes et servantes. Ils occupent aussi les fonctions de porteurs de cercueils et de majordomes dans les grands hotels : "la clientéle apprécie", disent les patrons.

Voir aussi ci-aprés : "Le racisme est une des pires formes de violence". 

Et la corruption ? 

Elle est en grande partie le fait du gouvernement Fujimori qui a institué la corruption comme mode de gouvernance. L'Etat n'a toujours pas les moyens de lutter efficacement : elle agit comme la maffia, en s'infiltrant sous des formes différentes dans toutes les institutions.
Dns notre pays, il n'y a pas de conscience politique étendue (notre ami au Chili nous faisait la meme observation), ni conscience des valeurs comme celles qui ont trait au bien commun. Les groupes de corruptions s'introduisent dans tous les secteurs, jouent des luttes et alliances politiques.

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Nous rencontrons ensuite CÉCILE
LA VIOLENCE FAITE AUX ENFANTS

Cécile est une jeune francaise, volontaire pour 9 mois dans une association franco-belge, La Casa de Ogars. Elle est rémunérée par l'Etat francais dans le cadre d'une mission "service civique".

La Casa de Ogars est une ONG foyer d'accueil pour 30 orphelins dont 14 enfants handicapés, seul foyer de ce genre á Ayacucho. Je croise aussi mon activité dans ce foyer avec un foyer d'acceuil de jour pour enfants des rues.

5% des enfants de la ville sont dans la rue. Ils sont envoyés en ville par leur famille qui rompt ensuite tout contact, ils sont donc livrés totalement á eux-memes. Ici, au centre ville, on ne les voit pas donc ils n'existent pas. Ils vivent dans les rues des quartiers périphériques, les nuits sont trés froides, c'est dur, ils sniffent la colle... Les plus jeunes ont 9 ans. Beaucoup ont subi des traumatismes, mauvais traitements, manques de soins, malnutrition, sévices sexuels. A partir de 14 ans les filles sont en grand risque de violences sexuelles. 

Les handicapés au Pérou sont sans ressource, sans soutien. 95 % des péres auittent le foyer familial si la mére met au monde un enfant avec un handicap corporel ou mental.

L'avortement pour viol est difficile á obtenir. Il y a blocage de la police ou du judiciaire, quand l'un poursuit l'autre s'oppose ou ne suit pas.  
    
Une action exemplaire.
Le mouvement vient des enfants qui sont informés de leurs droits par l'UNESCO. Un parlementaire congressiste, informé lui aussi par l'UNESCO, est venu visiter notre orphelinat. Les enfants lui ont présenté leurs requetes et lui ont fait signer un engagement á communiquer leur situation et leurs demandes auprés du Congrés national, ce qu'il a fait. Suite á celá, s'est tenue une réunion á laquelle étaient présents ce parlementaire, le président du Congrés et huit enfants délégués pour commencer á mettre en place un programme nationale pour les orphelins, handicapés et enfants des rues.

Vous etes soutenus par la municipalité ?
Elle ne soutient pas, elle autorise que nous fassions information.

Votre principale difficulté ?
Le trop grand turn over des volontaires.

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Plus de 300 méres de Huánuco dénoncent des abus sexuels contre leurs enfants
in le quotidien La Republica du 23/11/2012

Des associations se créent et exigent justice pour  que des cas soient instruits. Plus de 1 300 jeunes filles seraient abusées dans le territoire.
La Commission de la femme et de la famille du Congrés veut amplifier la loi qui sanctionne les agresseurs de femmes.
Au Pérou, sept femmes meurent tous les mois á caude de la violence.
(...) "Notre désir de justice est plus grand que la douleur que nous éprouvons", dit Liliana Espinoza Rodriguez, représentante de Tamar (association de défense des femmes). "Nous ne pouvons plus voir circuler librement les agresseurs de nos enfants, il n'y a pas de justice. Les cas sont classés et les accusations déclarées sans fondement."
Pour cette raison, les associations se rencontrent actuellement á Lima, le Congrés est interpellé avec le concours de diverses ONG. Et le pouvoir Judiciaire ?
"Nous espérons qu'il va se prononcer. Il n'est pas possible que ces femmes se voient obligées de venir á Lima pour recevoir justice", dit le représentant de la Coordination Nacional des Droits de l'Homme ( Ronald Gamarra).
Plus de 90% des cas de violence sexuelle au niveau national sont classés et terminent dans l'oubli. A Huanuco, le Tamar accuse de responsabilité et d'impunité le Président de la Cour Supérieure de Huanuco, Jorge Picón.
Et ce n'est pas tout. En 2011 plusieurs ONG présentent au Conseil National de la Magistrature une accusation concernant J. Picon pour falsification de documents.
Le résultat fut une demande de J. Picon de 3 millions de soles contre cinq ONG pour "atteinte á son image".
(...) Le Ministére de la Santé a calculé que 39 % des femmes au Pérou sont victimes de violences physiques et sexuelles en partie du fait de leurs époux et compagnons.

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"Le racisme est une des pires formes de violence"
in La Republica du 23/11/2012
Entretien avec Tarcira Rivera, fondatrice de Chirapaq, Centre des cultures indigénes du Pérou
journaliste : Beatriz Jiménez

- Quelle forme de violence as-tu subie au cours de ta vie ?
Je viens d'une petite communauté de Vilcashuamán, une des provinces qui connait le plus l'extreme pauvreté. Les femmes qui ont fondé Chirapaq (en queschua : centaines d'étoiles)ont connu les contextes de violence que d´já nos grands-méres, nos méres ont vu passer sur la tete de leur famille á travers les générations de communautés. Prés de quarante ans d'activisme pour les droits des femmes indigénes m'ont conduit á la conclusion que la pire forme de violence n'est pas celle physique mais celle qui s'inscrit comme structure historique. Que nous ne soyons pas considérées comme personne, comme citoyenne, comme chacun avec les memes droits.
(...) Dans toutes les parties du monde, les femmes indigénes sont toujours á la marge.
(...) Le probléme des déplacements pour les concessions miniéres, pétroliféres, de gaz crée une totale vulnérabilité pour les femmes indigénes. Que se passse-t-il avec les adolescentes ? Elles sont exploitées sexuellement par des mafias ou exploitées dans le travail. 
Une autre grande forme de violence est l'exclusion de la scéne politique et publique. Quelles opportunités avons-nous pour accéder á une éducation de qualité ? Aucune jeune fille indigéne d'Ayacucho ou de Cajamarca ne termine ses études secondaires et a la possibilité d'accéder á des études universitaires.
(...)
- L'art comme forme de lutte supérieure contre la violence fait partie de ton expérience. 
Les espaces pour l'art dans les communautés populaires d'Ayacucho, auxquels participent les garcons et filles dans leurs luttes contre les violences qui leurs sont faites, sont aussi des espaces de reconquete de la culture queschua. Nous commencons par peindre des hélicoptéres, des militaires... au bout de six mois, neuf mois, un an, nous commencons á peindre sur des sols, pour des carnavals... Grace á cette expérience, nous libérons du positif qui s'étend sur les fréres et soeurs, nous affirmons leur identité, nous récupérons de la dignité et accédons á l'éducation non pas "des pauvres" mais de celle qui affirme leurs capacités.
Nous voulons récupérer la valeur du respect mutuel. Les meilleurs causes valent quand elles sont des points d'équilibre.


AYACUCHO, y arriver... y rester trop peu... Wari, Quinua

Ah, Ayacucho... Quelle ville mystére !...

Mais d'abord, il faut y arriver.

LE VOYAGE, tout un poéme sur l'attente

Départ du bus de Cuzco pour la premiére étape via Andahuylas le mardi 20 novembre á 20h, arrivée dabs cette derniére le mercredi 21 á 4h30 du matin.
Ca redémarre ce mëme matin á 6h30 et jusque lá tout va bien.
Nous savions que la route serait dure, nous n'imaginions pas encore á quel point.
Ce n'est plus une route, c'est une piste. "Parfois il vaut mieux une bonne piste qu'une mauvaise route", dit le vieil andin. Oui, mais encore faut-il que la-dite piste ne soit pas sous la domination des engins Caterpillar et autres monstres mécaniques.
A 9h30 le bus est stoppé dans un pueblo jusqu'á 12h15. A 13H30, youppi, nous repartons.
13h40, stop. Nous sommes á la sortie du dit pueblo.
Nous en repartirons á 17h30.
C'est en montant le long long trés long col (il est á 5000m) que nous comprendrons réellement les raisons de ce blocage : un formidable chantier, sur des kilométres, pour transformer l'étroite piste en ce aui sera - á l'été 2013 ? - une route. Chapeau les ingénieurs et ouvriers qui oeuvrent dans ce gigantesque chantier accroché aux vides et pentes á renverser le coeur !
Un chantier qui va permettre á Ayacucho d'échapper un peu plus á un isolement qui lui a couté trés cher.
Arrivée dans la ville ce meme mercredi á 21h.
Nous aurons parcouru (parcouru ?) 170 km en 14h30.
Mais ces heures permettent la rencontre avec Thomas Züger, Suisse allemand et voyageur au long cours (deux ans et 8 mois en Amérique du sud et centrale), philosophe de quelaues soixante ans, amateur de Lazlo Siszek, Badiou et Walter Benjamin. Nous continuerons la rencontre á Ayacucho.


AYACUCHO, ville de violences masquée sous un beau sourire

altitude 2 750 m - 152 000 habitants

Résidence : hostel La Crillonesa, calle Nazarenno 165, tel 31-2350. 35 sol/nuit pour une chambre double certe petite MAIS : eau chaude en permanence, trés bons lits, déco sympa, ultra propre ET grande terrasse devant la chambre donnant sur les toits environnants, les églises toutes proches (bonjour les carillons invitant á la messe de 6h du matin !), la sierra environnante. Et avec ca on ne recommanderait pas vivement ?

AYA = ame ou mort, en langue quechua               CUCHU = arriére pays
tout est dit de son passé, lointain comme proche.

La province est pauvre, hormis quelques vallées bénéficiant d'un rio et donc d'un peu d'agriculture les hautes collines sont des étendues de terre argileuse, de pierres et de cactus. 
Isolée, elle fut l'un des centres les plus actif du Sentier Lumineux et de ses hordes barbares maoïstes qui sévirent sur le Pérou de 1980 á 2000 et un  peu plus longtemps ici á Ayacucho... Les habitants furent soumis á leur terreur mais aussi á celle de l'armée et de sections spéciales de la police, fervents utilisateurs de la torture et de la disparition pour raison d'Etat.
Cétait simple, le Sentier débarquait dans une famille et offrait un choix : ou le pére donnait deux fils pour devenir combattants du peuple, ou le Sentier en choisissait deux et les tuait. Donc, pour la police : les paysans étaient militants du Sentier. Conséquences : il faut faire parler les paysans par tous les moyens et leur faire encore plus peur que le Sentier. Résultat pour la ville : plus de huit mille morts sans compter les disparus.

"L'ombre du passé tragique s'est depuis longtemps dissipée", écrit le Lonely planet... Foutaise ! L'ombre et son corps sont toujours lá, bien présents, mais dissimulés sous le masque joyeux et accueillant d'habitants qui n'ont pas pour culture d'afficher la souffrance. C'est qu'ici on est fier, indépendant, et qu'on aime la danse et le chant. 

Difficile d'imaginer derriére la beauté de la ville, sous le sourire des habitants, ce qui aujourd'hui encore est violence faite aux femmes et enfants. Nous en parlerons plus précisément dans un article prochain : "Pérou, observations 2012 - article 6 : violences faites aux femmes et aux enfants".

Difficile aussi de pouvoir penser que des gens d'un meme peuple puissent se livrer sur leurs compatriotes á de telles horreurs. Mais ca, ce n'est pas propre ni á Ayacucho, ni au Pérou.

Plus lointain dans le passé, mais trés important pour l'histoire du Pérou et de toute l'Amérique du sud, c'est á quelques kilométres d'ici, au-dessus du village de QUINUA, que fut livrée l'ultime bataille pour l'indépendance du Pérou, oú 5800 patriotes sous le commandement du général Sucre défirent les 8 200 soldats espagnols et que fut ainsi mis fin á la domination coloniale. L'armée patriote était composée de péruviens mais aussi de colombiens, argentins et boliviens. 

Que voir á Ayacucho ? Faut s'y ballader et y gouter un charme trés... colonial. Il n'y a pas á dire, la culture espagnole est elle aussi empreinte de beaucoup de beauté, de sensualité et de suavité. Et puis, il y a encore si peu de touristes ! Nous ne devions pas etre plus de cinq ou six lors de notre séjour. Un soir, au centre culturel de l'université, trois heures de danses. De toute beauté ! Des groupes de toute la région, jeunes et moins jeunes, avec une force, une vitalité à couper le souffle. Beaucoup d'humour aussi, ces gens là savent se moquer d'eux mêmes, mettre leurs travers (et surtout le machisme) en scène et chorégraphie et en rire. La grande cour du centre culturel était pleine à craquer, nous étions trois gringos, c'est dire si la manifestation n'était pas à but touristique. Nous sommes une fois de plus surpris de la permanence de la tradition, renouvelée par la réelle inventivité de ces nombreux groupes et dont la majorité des participants est jeune. 

Nous ne sommes restés que trois jours, beaucoup trop peu pour cette ville et ses alentours. Mais la route est encore trés longue jusqu'au nord du Pérou que nous voudrions atteindre vers le 15 décembre. 

Tiens, au fait ! quand on dit "monter au nord" on pense "aller vers le froid", non ? Ici c'est exactement le contraire, plus on va au nord et plus il fait chaud.

Vamos , HUANUCO nous attend á 370 km plus au nord. Et lá aussi les kilométres se comptent en heures et heures de bus...



WARI ou HUARI

a 20 km d' Ayacucho et sur un vaste territoire désertique se tiennent les ruines de la cité Wari. Le Lonely en fait peu de cas, elles sont pourtant fort belles et intéressantes. Des Wari, hormis ces ruines, ont sait peu de choses. Leur age d'or fut de 600 á 1100 de notre ére. Ils avaient de nombreux liens et échanges avec les Tiwanaku (vous vous souvenez d'eux si vous avez lu attentivement notre carnet : le temple Tiwanaku, proche de La Paz).

Ils développérent le commerce et la culture de la coca, du mais, du coton. Ici, tout prés d'Ayacucho (qui n'existait alors que sous forme de pueblo), ils vivaient á quelques 50 000 habitants. Grands architectes, leur ville mettait l'accent sur le démonstration de leur puissance religieuse et politique, avec des espaces publics, places et temples qui servaient de lieux de rencontres et d'échanges, un réseau de routes dont se servirent par la suite les Incas. Et puis, vers l'an 1000, pfuitt... ils disparaissent, tout comme les Tiwanaku et bien d'autres... Pourquoi ? Ben, prenez vos pelles, vos pioches et vos dons d'observation et d'analyse et vous serez peut-etre les premiers á découvrir pourquoi.

Les ruines s'étendent sur des kilométres, il n'en reste pour la plupart que des tas de cailloux. Les plus visibles et significatives, dont des fouilles en activité, sont situées á proximité de l'entrée du site et de son petit musée (le gardien est un homme charmant et qui aime le lieu). Le temple puis le cimetiére sont véritablement "prenant", y méditer tranquillement n'est pas á déconseiller. Bref, deux grandes heures sur le site ne sont pas de trop.

A propos de conseil : arriver le plus tot possible le matin (le site ouvre á 9h), le soleil ici cogne fort.   



QUINUA

Village á 40 km d'Ayacucho, sur la meme route que Wari. Ses particularités :

- artisanat de sculpteurs céramistes. L'un d'eux, dont nous donnons ici quelques photos d'euvres, se distingue trés nettement du lot (les autres font tous á peu prés la meme chose...).

- une chouette petite église qui donne sur une belle place aux proportions harmonieuses.

- en haut du village, dans le lieu dit "la pampa", l'obélisque blanc (il a fiére allure) qui commémore la bataille d'Ayacucho. C'est un trés beau site d'oú la vue s'étend fort loin. Et puis, la fin de la colonisation espagnole c'est quand meme pas rien !

- la foret, les cascades, la montagne... de belles balades de quelques heures ou plusieurs jours. Attention : la dame qui est assise sous un arbre á l'entrée du chemin qui méne aux cascades et qui vous demande un sol pour droit de passage n'est pas une ladrona. La municipalité de Quinua pourrait au moins lui fournir un petit pupitre ou une guérite pour asseoir sa légitimité á percevoir un droit de passage. 
























 
photos de Wari et Quinua sous peu...



lundi 19 novembre 2012

CUZCO - MACHU PICHU

mercredi 14 novembre
nous voici à CUZCO

pas Arequipa et ses canyons ?!

ben non, il nous faut garder du temps pour le nord du Pérou et nous avons barré cette destination qui nous promettait pourtant de beaux parcours montagne. "On ne peut pas tout voir" continue de s'appliquer et les choix sont parfois difficiles.

CUZCO est à la hauteur de sa renommée. S`y ballader le nez au vent et parfois à la pluie - les fins d'après-midi et nuits en ce mois de novembre - réserve à chaque coin de de rue et de place un choc. C'est aussi une ville cher qu'ìl faut aborder avec prudence, surtout les taxis qui se conduisent en détrousseurs.

Une bonne adresse oú loger : la casa Semblaña dans le quartier San Blas, calle Suitueato 766, www.easalasamblena.com - 70 soles/nuit en matrimoniale - tenue par un jeune couple qui se met en quatre pour accueillir, informer, conseiller. bonnes chambres donnant sur un petit patio, eau chaude toute la journée
C'est grâce à eux que nous sommes allés au Machu Pichu : ils nous ont aiguillé sur un forfait complet "entrée du site + voyage mini-bus AR Cuzco - Santa Theresa + 1 nuit hotel + 1 repas" = 240 dollars US pour deux. Difficile de trouver à moins.

Voici nos images préférées de cette ville qui a au moins deux identités, l'une pré-inca et inca et l'autre coloniale; sachant que les espagnols ont construit églises, palais et maisons sur les fondations et murs des précédents et avec les pierres taillées par les incas.

Sachant aussi que les images sont loin, très loin de la réalité, tout comme la carte est loin d'être le territoire.






non, ce ne sont pas des figurants payés par l'office de tourisme, ce sont les habitants d'un village quechua qui visitent leur Histoire 









ici le tissage est élevé au rang d'oeuvre d'art

et le pavage des rues à celui d'artisanat







Nous avons quitté Cuzco le mardi 20 novembre, sachant qu'entre temps nous sommes partis deux jours, le samedi 17 et le dimanche 18 pour le MACHU PICHU



LE MACHU PICHU ?

Aller ou ne pas aller au Machu Pichu ?

la question se pose-t-elle ?

nous la posions

mais va-t-on vraiment au Machu Pichu ?

et n'est-ce pas le Machu Pichu qui rêve ses milliers et milliers de visiteurs, les voyant dans son songe défiler en guirlandes ?

Claude renaclait, Liliane disait que "tout de même, être si près du Machu (100 km de Cuzco), et louper ce qui est considéré comme l'une des merveilles du monde...". Et puis il y a eu la proposition de notre hôtelière qui a fait pencher la balance (voir ci-dessus dans la partie Cuzco) et cesser le renaclement un tantinet bêta.

Les services de l'agence pour un forfait 120 $ US furent nickel. 5h de route aller jusqu'à Santa Theresa - Usine hydro-electrique par une route puis une piste superbes (franchissement d'un col à 5000 puis piste avec abîmes impressionnants), 2 h de marche à pied jusqu'à Aguas Calientes (le train coûte 18 $ US pour les étrangers, 2 $ US pour les péruviens) gros village composé de... 150 hôtels et situé au fond d'une très profonde et très étroite vallée, à 2410 m d'alt.
Lendemain matin, départ à 5h pour monter le sentier-escalier qui, en une bonne heure, permet  d'accéder à l'entrée du Machu Pichu, à 2860 m


Hé oui, c'est vrai, c'est un grand choc. Comment en donner une représentation ?.... Autour d'immenses montagnes dont les plus proches, presque à toucher de la main, sont absolument verticales, coupées au couteau, murs végétaux recouverts de plantes exhubérantes puis, d'autres plus hautes encores, plus déchiquetées, plus verticales s'il est possible et, pour les plus lointaines (le quatrième rang, pas si loin que ça) recouvertes de neige et de glace. Au centre, sur son piton, le site. 

Imaginez une fleur, une tulipe à nombreux pétales bien dressés par exemple, hé bien le Machu c'est le pistil. L'image vaut ce qu'elle vaut, ça fait poésie à deux balles, mais c'est possible.
Le site : ce n'est pas une forteresse plantée sur un piton comme les chateaux cathares, rien à voir, ce n'est pas un lieu défensif c'est une ville pour des temples religieux dédiés au culte du soleil mais aussi à celui du condor et à celui du puma. Les prêtres habitaient les étages supérieurs, l'Inca et les nobles les étages du milieu, les gens du peuple ceux les plus bas. Toujours à flanc, de longues et étroites terrasses pour l'agriculture, l'élevage. Pas moins de six "routes" conduisaient au lieu. Plus de 800 personnes y vivaient en permanence et dans les montagnes et vallées autour étaient des hameaux, des villages. C'était un lieu de grande activité agricole de montagne et de circulation. 

Par conséquent, le choc qu'on éprouve est de plusieurs ordre : esthétique et spirituel d'abord, une grande émotion. Puis l'émotion s'affine avec la rencontre de traces historiques et civilisationnelles dont les archéologues et historiens reconnaissent qu'ils savent peu de choses. Et puis le regard se porte plus sur les détails, les traces d'une vie du quotidien, la richesse de la végétation, l'incroyable maîtrise de l'ajustement des pierres taillées, les circuits de fontaines,... la sensation puissante d'être dans une énigme, de pouvoir rêver et d'être rêvé. Mais aussi le formidable travail de mise à jour, de "reconstruction" sans aller au-delà de ce qui serait de l'interprétation, d'entretien au quotidien et ce depuis la découverte du lieu par l'historien américain Hiram Bingham en 1911. 

Bon, maintenant des photos... Mais encore un mot : sur google images ouvrez "Machu Pichu", l'expérience vaut le coup, des millions de photos à peu près toutes identiques... Alors nous, avec nos deux appareils, on n'a ni la prétention d'être originaux ni de prétendre donner à voir le Machu Pichu et tout ce qui l'entoure.


























Aguas Calientes et le train qui rejoint l'usine hydo-électrique et le mini-bus (mais, pour les plus fortunés, le train va aussi jusqu'à Cuzco)

 et chemin inverse piste et route mais cette fois en 7 heures, pluie diluvienne et nuages à couper au couteau pour la montée au col. Arrivée à Cuzco à 22h sous une pluie battante.

Et voilà, nous en terminons pour un moment avec les Grands Sites : Titicaca, Cuzco, Machu Pichu.
Ce soir nous prenons le bus pour Ayacucha, 22h de route puis de piste, vamos pour les hauts plateaux !