lundi 21 janvier 2013

BOGOTA UNO, arrivée, un peu d'histoire, se repérer, la dangerosité

Article écrit le mardi 22 janvier 2013, neuf jours aprés notre arrivée.
Il contient : 
- l'émotion de l'arrivée
- une trés bréve histoire de la Colombie
- comment se repérer dans cette trés grande ville
- une bréve présentation des quartiers du centre
- une ville au meilleur développement urbain 2000-2010
- un ou deux conseils quant aux dangers supposés comme ceux réels


Bogota UNO parce que, ami lecteur, des articles DOS, TRES,... Mais pour le moment contentons-nous du uno et arrivons dans la ville.

lundi 14 janvier, il est 4h 30 du matin...

le bus en provenance de Cali entre dans le Terminale de la capitale colombienne et, pour la première fois de notre parcours, toutes les boutiques y sont ouvertes. C'est qu'arrivées et départs n'y cessent nuit et jour.

Tu t'en doutes bien, les premières envies du voyageurs à cette heure oú l'aube n'a point encore clignée de l'oeil c'est :
1 - faire pipi
2 - prendre un p'tit déj'
Une fois ces premières formalités faites, nous nous installons devant deux postes internet. Devines pour y faire quoi ? Oui, bravo, pour y travailler au blog ! Et c'est absorbés dans cette noble tache que nos amis Juan et Janeth nous surprennent vers 7h. 
photo Juan Manuel Silva
 
Effusions, embrassades, bref : émotion puis locomotion... nous voici chez eux, un grand appartement très clair dans le quartier plutot chic et arboisé de l'Independencia, au centre nord de la ville, sous la montagne. Re-p'tit dej', plein de fruits ! salade de mangues, bananes, pommes, poires, ananas, papaye et autres fruits étranges et délicieux... Nous sommes en terre de douceurs, nous nous laissons aller aux premières découvertes de cette très grande ville, de ses restaurants qui sont aussi parfois de vrais centres culturels, ses marchés aux fruits et aux poissons, crevettes, crustacés, ces salons de chocolat, nous sombrons dans la luxure et la gourmandise.

Dans l'article TRES ou QUARTO sur Bogota nous ferons l'inventaire de toutes les bonnes adresses. Pour le moment, entrons plus avant dans une présentation générale de la ville.

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Un poco de historia ?

Si non, comment comprendre un tout petit peu la situation actuelle du pays et de sa capitale ?

Quand nos amis les Conquérants arrivèrent, la région de l'actuelle Bogota était habitée par les Muisca, équivalents en civilisation et culture aux Aztèques et Incas (pour dire vite; nous serons plus détaillés et précis quand nous te parlerons du museo del oro).

Les Muiscas croyaient en l'harmonie de la nature. On se demande oú les sauvages allaient chercher de telles âneries ! Fort heureusement, nos amis les civilisateurs se chargèrent très vite de leur apprendre les justes valeurs. Jimenez de Quesada, leur chef, était un homme de décision : le sort des indigènes fut réglé en quelques bons coups d'épée et de canon. On en garda quand même suffisamment pour servir d'esclaves.  Les massacres de population avaient commencé  mais rassures-toi lecteur cette solide tradition allait se perpétuer jusqu'au vingtiéme siècle.

Donc, Jimenez fonde Santa Fé. Santa Fé ?! Ben oui, la ville s'appelle d'abord comme ça, on lui ajoutera de Bogota que plus tard, du nom d'un grand cacique idien - Bacatá, señor de la Sabana. Avant la proclamation de l'Indépendance (1819, le grand, le mythique Simon Bolivar !), Sante fé de Bogota devient la capitale de la Grande Colombie qui réunissait l'actuelle Colombie + le Venezuela + le Panama + l'Equateur.

En 1830, le rêve de Simon Bolivar de voir se fonder les Etats Unis d'Amerique latine sombre dans les luttes intestines et la dislocation. En 1863 une nouvelle Constitution est promulguée, elle consacre les principes du libéralisme : liberté de déclarer la guerre entre Etats, liberté totale du commerce (y compris des armes), liberté de la presse et de l'instruction, séparation de l'Eglise et de l'Etat.

Ce n'est qu'en 1886, avec une Constitution dont Raphael Nuñez est le maitre d'oeuvre, que le pays entre dans une période de relative stabilité politique et économique avec un pouvoir autoritaire qui gouvernera jusqu'en 1930. Ca n'empêche pas quelques grands massacres, comme la guerre des 1000 jours (1899 - 1902), tentative de prise du pouvoir par les libéraux, qui permit d'éliminer 100 000 personnes, 2,5% de la population du pays.

En 1930 les libéraux prennent le pouvoir sur les conservateurs, le pays prospère, un classe ouvrière se crée et avec elle des syndicats; syndicats qui sont - c'est dans la logique des choses - fortement réprimés par le pouvoir; il se crée aussi un Partie communiste ou plutôt un Parti socialiste révolutionnaire.  

1946 à 1957, La Violencia, la période la plus absurde et sanglante de l'histoire contemporaine colombienne. Une guerre civile qui fait plus de 300 000 morts et dévaste des territoires entiers. Elle est déclanchée par les conservateurs qui reprennent le pouvoir et n'ont de cesse de liquider tout ce qui ne pense pas comme eux. Bogota est le centre des soulévements populaires qui tentent de s'opposer, elle est mise á feu et á sang.

1958 á 1974, le pays est en continuel état de siége : les insdistries nationales passent aux mains des investisseuers étrangers, les gros propriétaires fonciers exproprient les paysans et accumulent de vastes territoires. C'est dans cette période qu'est crée le Département administratif de sécurité (DAS), police secréte et militaire chargée de controler la population. Les taux d'abstention aux élections atteignent des records : 62% en 1978. L'insécurité et la violence politiques d'Etat sont devenues le mode normalisé de gouvernance.

C'est dans ce contexte que vont naitre dans les années soixante les FARC (plutot pro-soviétique au départ), une guérilla d'abord rurale, ensuite le ELN (plutot pro-cubaine) et le EPL(maoiste), puis dans les années 70 le M19 (mélange de nationalistes, populistes et de gauches) dans les zones urbaines, des guérillas toutes trés différentes les unes des autres. La lutte entre ces mouvements et l'armée est terrible : assassinats, détentions arbitraires, tortures, liquidation de populations paysannes. Il y a bien une tréve de 1982 á 1985, pendant laquelle seuls les FARC acceptent de participer au gouvernement de Betancur Cuartas, convaincu de l'impossibilité de vaincre la guerilla par la force, mais entre le 6 et 9 novembre 1985, le M19 occupe le Palais de justice, tient en otages plusieurs magistrats, la risposte de l'armée tourne au massacre.

1990, César Trujillo accéde á la présidence, la Constitution de 1991 (jusau'alors inchangée depuis le 19e s.) est un nouveau pacte démocratique. Le M19 accepte de participer á la constituante. Mais la corruption gagne toutes les sphéres de l'Etat. La guerrilla (rendue trés largement á la production et au trafic de la drogue ) reprend et avec elle les exactions des deux cotés.

2002, Alvaro Uribe est élu avec un programme de forte autorité et de fermeté. Terminé le dialogue avec les guerilleros, on passe á une vaste offensive avec l'appui logistique et financier des USA. La lutte est sans merci, le FARC connait des échecs importants et se trouve considérablement réduits en nombre, les principaux chefs sont tués. C'est un succés mais á quel prix ? Celui d'exactions terribles de la part de l'armée et surtout des paramilitaires. Des villages entiers sont écrasés, les paysans, syndicalistes, militants de gauche et d'extreme gauche sont considérés comme alliés des guerilleros, le régime au pouvoir est d'extreme droite et ne le cache pas. On compte entre 200 000 et 300 000 morts. Mais aussi : l'économie du pays fait un bond en avant, les entreprises et propriétaire fonciers prospérent, la calsse moyenne se fortifie.

2010, Juan Manuel Santos succéde á Uribe, il fut ministre de la Défense de 2006 á 2009. On pouvait crainde la continuation d'une main de fer, il n'en est rien pour le moment, les négociations entre les FARC et le gouvernement sont en bon chemin, la société civile est respectée, le pays connait enfin une voie de démocratie possible. Pour autant, le nombre de déplacés - on appelle ainsi ceux qui ont du fuir leur région sous la violence guerilla et paramilitaire - pése trés lourd dans la vie du pays, la violence est forte dans la société, la pauvreté est encore trés lourde.

Je suis allé trés trés vite, que mes amis Colombiens et tous ceux goutant l'histoire veuillent bien m'en excuser.

Sans doute étais-tu déjá informé, ami lecteur, de cette invraisemblable histoire qui est celle de ce pays mais il est salutaire de nous répéter encore et encore ce qui peut faire qu'une société se construise pour mode de vie et de pensée celui de la violence et de l'absence d'état de droit. Les Colombiens ont incroyablement souffert de l'arbitraire et de la loi du plus fort comme de celle des armes . Ceux que nous rencontrons ne parlent pas que de celá - fort heureusement ! - mais quand ils en parlent c'est encore avec cette trés forte douleur dans le corps et la mémoire. Ce pays, ceux qui y vivent, sont d'une formidable énergie et d'une joie étonnante (aïe aïe aïe la musique, le chant, la danse !!! nous y reviendrons). Ils disent d'eux-memes : "notre pays est fait de violence et de générosité. Cette contradiction est trés forte á porter, la Colombie est á apprendre á aimer. "


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Se repérer dan Bogota est chose facile.

Plusieurs facteurs y concourent :

Le premier, les hautes collines du nord au sud sous lesquelles la ville s'est logée. Oú qu'on soit dans la cité elles sont, au moins en partie, visibles. Au sommet de la plus haute, l'église de Monserrate, toute blanche, et le funiculaire qui en descend. C'est au pied de cette colline que Santa Fé pas encore Bogota s'est peu á peu crée, avec le quartier de la Candelaria, l'actuel centre, puis étendue.

Le second, le réseau quadrillé des rues, avec des avenues - les Carreras - qui sont orientées du nord au sud, et des rues - les Calles - orientées d'est en ouest.
Ormis dans la Candelaria, les Carreras et Calles ne portent pas de nom mais des numéros. C'est d'ailleurs ainsi dans toute la Colombie. C'est un peu déroutant au début mais on s'y fait trés vite et, en fait, ca simplifie les choses : 
- les numéros des Carreras sont des cardinaux (Carrera unima, carrera docima, carrera trecima, etc...); les numéros des Calles sont des ordinaux (Calle uno, calle dos, calle tres, etc...).
- les numéros des Carreras croissent d'est en ouest en partant des collines, ceux des Calles croissent vers le nord ou vers le sud en partant du centre.

Le troisiéme, ses habitants. Il suffit en effet de paraitre un peu perdu pour que trés vite quelqu'un vous propose son aide, souvent meme vous accompagne un bout de chemin pour vous mettre vers la bonne destination. Ne pas hésiter non plus á s'adresser aux policiers et jeunes auxiliaires de police, ils sont trés serviables. Une précision qui peut etre importante : en Colombie la police ne connait plus la corruption. Tenter d'échapper á une contravention en glissant un billet entraine illico une trés forte amende.

La ville est á 2500 m d'altitude, son climat varie peu. La température peu descendre la nuit assez bas, le jour il fait entre 10° et 20°, c'est donc plutot frisquet... Dans l'aprés-midi il est trés fréquent que le beau ciel bleu du matin se couvre et que les hautes collines se couvrent d'une brume trés dense et d'un gris sombre presque bleu nuit. Les lumiéres du ciel, quel que soit le temps, sont superbes et font chanter differemment selon l'heure les hautes tours de la ville ainsi que les hauts arbres du parc de la Independencia.

Bogota est immense et compte aujourd'hui plus de 8 millions d'habitants (100 000 il y a un siécle). Elle est bien desservie en taxi et lignes de bus. Enfin des taxis (les jaunes, ne pas prendre les autres, ca peut etre dangereux surtout la nuit) qui ont un compteur et qui le respectent ! A deux ou trois passagers ca ne coute guére plus que le bus.


Les quartiers du centre ont pour noms  :


La Candelaria, centre historique, quantité de petits restos et hotels ou auberges pour touristes et routards, théatres, trés chouettes maisons de toutes couleurs et belles peintures murales;  
La Concordia, ca grouille de monde, ca fait des affaires, ca vend et ca achéte, il y a meme, le long des murs de la Iglesia San Francisco, tout prés du museo del moro, des indiennes qui fabriquent et vendent de trés beaux bijous en perles ("lá, faut pas négocier mais payer le prix demandé", dit notre ami Juan).
Santa Barbara, oú logent les ministéres et la résidence présidentielle;
Egipto, qui monte vers le funiculaire, avec aussi la maison de Simon Bolivar;
La Capuchina et le grand marché de San Victorio;
Germania, un quartier moderne;
San Victorino, encore un quartier de commerces, trés populaire;
Bosque Izquierdo et La Independencia,  le grand parc de la Independencia, les facultés, les arénes (le maire actuel a interdit les mises á mort de taureaux), de chouettes maisons, des restos, des cafés, des arbres,...
San Martin, qui jouxte Independencia, un quartier beaucoup plus populaire;
Alameda et ses grandes tours et immeubles trés modernes.



Une ville qui a recu la palme du meilleur développement urbain de la décennie 2000 2010 par les Nations Unies.


L'image qui traine encore (elle trainait dans ma tete, pauvre tete !) d'une ville misérable et trés dangereuse ne correspond plus á la réalité, sauf peut-etre pour la dangerosité nous y reviendrons.

Les différents maires qui se sont succédés depuis bientot vingt ans ont réllement contribué á faire de la capitale une belle ville moderne et qui respecte son patrimoine. Seul l'avant-dernier fut un escroc, il est maintenant en prison avec quelques-uns de ses premiers adjoints et purge une lourde peine pour détournements de fonds publics.

Maisons et batiments de l'époque coloniale, du 19e, des différentes architectures du 20e, trés grandes tours dont plusieurs trés belles (l'une d'entre elle devient la nuit une immense colonne de lumiéres animées dont le programme change chaque nuit) mais aussi places et parcs s'y cotoient ou s´y alternent.

La ville est propre, les artéres sont entretenues, seuls les trottoirs restent improbables (plaques de conduites souterraines disparues parce que volées, ruptures de revetement quand ce n'est pas du trottoir lui-meme).


Ah, et la dangerosité !? 


Hé bien, un pays ne peut avoir connu une histoire d'une telle violence sans qu'il en demeure effectivement une violence sociale.

Souviens-toi, lecteur, de notre article sur Ayacucho au Pérou, ville de naissance du Sentier lumineux et ville oú, aujourd´hui encore, les violences faites aux femmes et aux enfants sont parmi les plus fortes du pays aprés Lima. La pauvreté á Bogota est encore trés réelle, les quartiers que nous n'avons pas cités, ceux au-delá du centre, sont effectivement dangereux et pas seulement pour les touristes mais pour les Bogotais eux-memes.  Nous en avons-nous memes été victimes, attaqués par trois voyous qui, en plein jour et sous la menace d'un couteau, nous ont dérobé notre pourtant trés petit et trés discret appareil photo. Nous n'avions connu aucun probléme de ce genre depuis le début du voyage et, pourtant, nous en avons traversé des villes et quartiers réputés dangereux ! Bon, voilá, il a fallu que ca arrive ici...  

Commemt s'en préserver, autant que faire ce peut ? En écoutant ce que disent les Bogotais, ce que dit la police, ce que dit ta propre intuition... C'est pas facile parce que les limites de territoires danger-pas danger sont floues, souvent peu repérables. Et puis ne pas tomber non plus dans la psychose de la dangerosité.


Bref, aimer Bogota, ce que nous apprenons á faire chaque jour et elle nous le rend bien.

photo J. M. Silva
deux oeuvres de Eddy Galvis dans la série "El rostro como signo"
á laquelle nous consacrerons un article dans Bogota DOS 

 







mercredi 16 janvier 2013

A propos d'Hugo Chavez, entretien avec William Ospina




Est paru dans El Espectador (quotidien) du dimanche 13 janvier 2013 un entretien entre 
Cecilia Orozco Tascon, journaliste, et William Ospina, écrivain et essayiste.

Cet entretien fait suite á un article de ce dernier paru le dimanche précédent dans le meme journal et qui a provoqué de trés vives réactions en Colombie.

Il convient de tenir compte d'un des maux les plus importants des habitants d'Amérique du sud : la trés grande difficulté á reconnaitre une opinion ou une pensée différente de la sienne. Difficulté qui peut conduire á des actes de grande violence, comme l'assassinat.

Ce jugement ce n'est pas nous qui le portons, ce sont plusieurs personnes que nous rencontrons depuis le début de notre voyage et il est trés communément reconnu.

Nous reproduisons ici la plus grande partie de cet entretien alors que le disparition imminente de Chavez, sa réélection et sa sucession par Maduro ainsi que le ralliement d'une partie importante de l'opposition á un gouvernement qui doit se reformer autour de ce dernier ne cessent d'alimenter les journaux et débats dans les médias, déclanchant trés souvent une véritable hystérie anti Chavez dans les milieux de l'etablishment.


“Chavez entrera dans la mythologie”, William Ospina


“Le célèbre écrivain William Ospina, qui dans un article récent titré “Hugo Chavez,  un grand homme qui a tenté d'ouvrir la route à un peu plus de Justice dans un continent injuste », parle de sa position controversée, contraire à la plupart des élites de l’etablishment de la Colombie et du Venezuela, dans ces moments où le président venezuelien  est tiraillé entre la vie et la mort.” 


Le dimanche 7 janvier 2013, Ospina écrit une rubrique d’opinion publiée par El Spectador oú il prend la défense d’Hugo Chavez. Cette rubrique suscite un grand nombre de réactions  de la part des lecteurs et est considérée “á contre courant dans un pays, la Colombie, tellement déchiré”.


“William Ospina est un des plus remarquables écrivains Colombiens contemporains. Poéte, essayiste, romancier, il a obtenu une reconnaissance aujourd’hui international pour la qualité de son oeuvre littéraire, mais également pour ses recherches historiques qui l’ont amené á prendre des positions de controverse politique”.



OROZCO Une opinión assez répandue dit que lorsque le président vénézuélien Hugo Chavez mourra, il sera enterré dans un mausolée à côté de Simon Bolivar. Que pensez-vous de cette opinion qui vise à installer Chavez dans la mémoire collective comme un nouveau libérateur?


OSPINA  - Que seule l'histoire décide du souvenir au sujet des êtres humains.


OROZCO- Seriez-vous intéressé d’écrire un roman sur lui ?


OSPINA – La littérature nécessite d’avoir de la perspective pour créer sur la complexité des faits et la profondeur de leurs conséquences. Il est difficile de faire oeuvre de littérature sur des faits aussi récents.


OROZCO – Votre rubrique a surpris par son caractère belliqueux et très politique dans nos  colonnes de dimanche dernier.


OSPINA  - J’écris au sujet de livres ainsi que sur le cinéma, les voyages, mais je suis aussi passionné par le politique. Parfois, lorsque des problémes m'affectent, j'écris sur eux.


OROZCO – Pour les gouvernements de Cuba et du Venezuela vous comparez avec la Colombie et vous donnez à penser que ces pays peuvent être plus démocratiques qu'ici, oú “tout s’achéte, y compris les chemins par lesquels vont pouvoir se décider les électeurs”. Cependant, votre rubrique ignore les arguments de ceux qui accusent ces régimes de tailler les libertés en piéces.


OSPINA - Je n’affirme pas que Cuba et le Venezuela sont plus démocratiques que la Colombie.  Je dis que les victoires électorales peuvent apparaître comme plus que suspectes.  Et je peux dire aussi que la Colombie n'est pas aussi démocratique qu’il peut sembler, que sa démocratie est précaire, comme on le dénonce quotidiennement avec les gouvernements de Cuba et du Venezuela. A Cuba ou au Venezuela, au cours des 30 dernières années, n’ont pas eu lieu les massacres et holocaustes qu’a connu la Colombie.

Quand j'étais enfant, la radio versait des fleuves de haine contre la révolution cubaine. Au cours de mes huit premiéres années je n’ai pas manqué d’entendre la phrase répétée tous les jours : « Cuba, la perle des Antilles est  aujourd'hui le diable rouge de l'Amérique ». Le projet cubain a été généreux. Les États-Unis, avec le blocus, ont empêché ce projet de pouvoir exister. Examinons le début du gouvernement Chavez, l’opiniatreté avec lequel il a été attaqué, condamné, et ca a continué á chacune des réelections. Je ne pense pas que la presse conspire constamment, mais elle répéte inlassablement les memes choses, les memes préjugés qui sont sans fin, et ces maniéres de faire et d’informer ne sont pas des modéles de la démocratie.


OROZRO  - Vous nommez Chavez « un grand homme qui a aimé son peuple ». C'est peut-être une affirmation inspirée par la bataille pour la vie qu'il méne en ces heures difficiles.


OSPINA - Dire que Chavez est un grand homme n'est pas nécessairement un acte d’admiration. Il a aimé les siens et les siens le sentent. Je dis cela parce que je le vois. Et cela ne signifie pas que tout ce qu’il a pu faire soit juste, il ne s’agit pas de lui donner un diplome de sainteté.

Mon article n'est pas une louange, il est  la reconnaissance de la valeur que j'ai remarqué dans une politique générale. Ce n’est pas non plus une analyse de l’histoire d’un gouvernement. Je résume ce que je disais dans mes colonnes : le Venezuela est le seul pays d’Amérique latine où les pauvres sont heureux et oú les riches sont mécontents et cela doit bien signifier quelque chose.


OROZCO - Pour justifier les réélections de Chavez vous assurez que « la Colombie, depuis 200 ans, a des gouvernements du même type avec des visages différents, avec exactement la même politique. » Le seul un peu différent était celui d’Alvaro Uribe, écrivez-vous, “juste parce que c'était un peu pire." Uribe, qui vous critiquez, a été une fois réelu et trois fois Chavez. Comme expliquez-vous cette contradiction ?


OSPINA  - Je pense que j'ai été un peu injuste envers Uribe. En réalité, en Colombie, les pires sont plusieurs et Uribe a fait quelques bonnes choses. Le pays était plus inhabitable quand il est arrivé au pouvoir. On ne peut nier que la tranquillité est revenue dans certaines régions et certains secteurs de la société. Mais ca n’a pas toujours été fait de manière propre. Et puis, il a reçu le pays avec une guerre interne et il a réussi a ajouter trois guerres extérieures. Il est nécessaire que je précise quelque chose : je ne suis pas ennemi du principe de  réélection. Chavez, au Venezuela, a toujours été élu par le peuple. Je ne vois lá aucune atrocité.


OROZCO – Quand vous écrivez que “Chávez entrera  dans la mythologie » c’est une exagération littéraire ou une réalité politique ?


OSPINA - Admettez que toute mythologie  puisse etre une exagération littéraire.  Ce n’est pas moi qui fait de Chavez un mythe, c’est le peuple vénézuélien. Le même jour oú a été publié mon article El Pais, quotidien espagnol, titrait : « le mythe de Chavez comble son vide ». Dire de quelqu'un qu’il entre dans la mythologie, la mythologie latino-américaine, humble, pittoresque, touchante, ne veut pas dire “Louez-le ou censurez le, acquittez-le ou condamnez-le”, cela signifie : reconnaître le poids de sa présence dans l'imaginaire collectif. J'ai parlé d'Eva Peron, de Pedro Paramo, de Frida Kahlo. Chavez n'appartient pas à la bande dessinée, mais á l'histoire latino-américaine et avec sa mort il peut rejoindre d’autres mythes comme José Gregorio Hernandez, Santa Muerte, Che Guevara ou José Alfredo Jimenez (1). Une mythologie dans laquelle n’entreront pas Uribe, Menem ou un patron de multinationale.


OROZCO - En bref, vous êtes un doctrinaire du chavinisme...


OSPINA  - Je n'ai aucune doctrine, il me semble simplement élémentaire que la justice soit avec les humbles. Les riches ont de quoi se défendre,  ils savent mettre leur cri dans le ciel quand une douleur  les affecte. La  Colombie est un puits de douleur presque sans limites pour les personnes qui n'ont pas la possibilité de se faire entendre. C’est bien connu : ce qui se passe pour les riches ne se passe pas pour les pauvres.

Je crois en la possibilité de construire une société plus équitable et je comprends aussi qu'il y ait beaucoup de gens qui se sentent lésés par les changements structurels qui se font au Venezuela.


(…)


OROZCO  - Que pensez-vous du processus de paix engagé avec les Farc ?


OSPINA – Il s’est engagé et se poursuit avec tant de secret  que je crains parfois que nous n’apprenions jamais que nous sommes en paix. Ils peuvent faire taire les canons mais la paix a construire exige une société de coexistence et de reconnaissance, de dignité, de solidarité, pour qu’existe la possibilité de marcher la nuit dans les montagnes, d’avoir aussi  une mémoire partagée, toutes ces choses que les politiciens ne comprennent que trés rarement.

(...)

(1)
Le docteur José Gregorio Hernández Cisneros,1864 / 1919. Il a été à la fois médecin, scientifique et religieux vénézuélien. Solidaire avec les plus pauvres, beaucoup l'ont considéré comme un saint. Il mourut tragiquement á Caracas, renversé par une voiture.

Santa Muerte (Sainte Mort), Santísima Muerte ou encore Doña Sebastiana, est la figure de culte d'un mouvement religieux mexicain.

Diverses églises catholiques et protestantes rejettent et condamnent sa vénération en la considérant comme diabolique. L'église catholique la considère comme une tradition païenne contraire à la croyance chrétienne du Christ vainqueur de la mort.

 José Alfredo Jiménez Sandoval, 1926 / 1973. Il était un chanteur et compositeur mexicain. Il est considéré comme le meilleur chanteur de musique ranchera de tous les temps. est l'un des auteurs-compositeurs les plus renommés du Mexique et interprété aujourd'hui encore. Il a créé beaucoup de chansons (environ trois cents) toutes reconnues pour leur qualité et leur simplicité harmoniques, mélodiques et lyriques.

quand au Che Guevara, est-il nécessaire de rappeler qui il fut ?

lundi 14 janvier 2013

LA BARRA - JUANCHACO- BUENAVENTURA

... ou plutot, nous devrions dire dans l'ordre :  
Buenaventura, Juanchaco, Ladrilleros, La Barra

Ami lecteur, voici l'une des principales raisons de l'interruption relative, ces derniers temps, de nos messages sur ce blog : quatre jours dans un village assez perdu entre la forët tropicale et l'ocean Pacifique, LA BARRA.

Les guides de voyage (Petit Futé, Lonely) se gardent d'indiquer cette destination : la region de la Cauca et principalement tous les territoires couverts de foret et inaccessibles par route ou piste furent, il y a peu encore, sous domination des FARC. Quelques bandes armées, en fait au service des cartels de la drogue, y demeurent encore mais de facon trés résiduelle et l'armée, trés présente, controle bien la situation. On peut donc s'y rendre sans crainte de danger particulier et á condition de s'etre informé préalablement auprés de l'Info Tourismo ou de l'Hospedaje Tostaky (voir article précédent sur Cali) qui sont d'excellent conseil.

Cet article risque fort d'etre un peu touffu voir meme confus... Pour nous y retrouver un peu et tenter d'apporter un peu de lisibilité á ta lecture, nous utiliserons des polices de caractéres différentes selon tel ou tel chapitre.

Mercredi 9 janvier 2013, mini-bus pris du terminale de Cali vers 8h matin, destination Buenaventura, 115 km, 3h de trajet. La route est trés belle, elle traverse la sierra Occidentale, alternant versants secs et versants puis vallée á la riche végétation tropicale et parfois grandes villas et haciendas.
Les derniers 40 km sont éprouvants : énormes travaux d'aménagement d'une future 4 voies, tunnels et ponts en chantier, le tout commencé en 2007 et devant s'achever en 2020. Oui, tu as bien lu camarade lecteur : 13 ans de travaux ! Tu peux alors imaginer les difficultés du terrain : gorge étroite et profonde, versant de montagne en pente abrupte et offrant toutes les caractéristiques pour éboulements et glissements de terrain, passage incessant d'énormes camions allant et venant du port de Buenaventura sur une deux pistes défoncée se réduisant réguliérement á une seule piste  á passages en alternance. 


BUENAVENTURA  port mythique


Située dans une grande baie ouverte au Pacifique, elle est le premier port de la Colombie sur cet océan. Pas moins de 66% du commerce colombien y transite et pourtant elle ne paie pas de mine : elle n'est pas bien grande, apparait assez vétuste, déglinguée dans les faubourgs et vers les quais. Mais quelle ambiance ! Personnellement, nous on aime cette agitation trés laborieuse,  ce coté "c'est ici que finit la terre et que commence... que commence ?... un autre monde ?". Rues et maisons, gargottes et petits commerces ont un coté improbable. Et puis il y a de sacrés trognes de marins, dockers, gens de mer et gens de 
port ! La trés grande majorité de la population est noire, 88 %.

Bon, donc on va jusqu'au quai d'embarquement pour Juanchaco. Lá on prend un billet, on attend qu'une lancha soit prete á partir puis, avec quarante autres passagers on embarque.
Une lancha c'est une grosse barque couverte d'une bache qui protége du soleil ou de la pluie.  Elle est propulsée - le verbe n'est pas trop fort - par deux moteurs hors-bord trés puissants. Les hardis caboteurs sont assis par rangs de cinq sur des bancs de bois, face á la proue. Les moteurs sont lancés, la proue se dresse hors de l'eau, les vagues frappent brutalement la coque, c'est parti, allez zou ca fonce ! Comme un foulard de vent dans les cheveux.

Pendant une heure et quart vous longez de prés la cote ou plutót la foret tropicale, dense, impénétrable. Vous faites aussi la course avec les pélicans, ils adorent ca.
Décélération brusque, voici Juanchaco et sa jetée. Débarquement cahotant des navigateurs et de leurs bagages.


Juanchaco, Ladrillero, LA BARRA


Trois villages situés successivement sur la cote, de plus en plus petits, de plus en plus sommaires pour ce qui est de leurs aménagements et habitats. En fait, des barraques de bois sur pilotis. La plupart des touristes vont rester la journée, d'autres vont d'abord chercher abri dans une pension ou un hotel de Juanchaco ou Ladrillero, les amoureux d'immense plage perdue au bout du bout irons jusqu'á La Barra.

De Juanchaco á Ladrillero on fait soit á pied (50 mn) soit en taxi-tracteur (une grande charette avec bancs de bois tractée par le sus-dit, 2000 pesos). De Ladrillero á La Barra, trois possibilités : á pied par la plage á condition que la mer soit suffisamment basse (40 mn), par le chemin défoncé et raviné (50mn), en moto-taxi (15 mn, 10 000 pesos, les habitants osent y chevaucher á trois).
suite bientot. Notre ami Juan et sa compagne Janeth viennent d'arriver. il est 7h du matin, nous travaillions á cet article depuis notre arrivée ce matin 4h30 (quand on vous dit que c'est du boulot !) au terminal de bus de Bogota. Bises ! 
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...8h aprés, douillettement installés dans le grand et clair appartement des deux amis, rassasiés d'un excellent repas pris au as6ismanos, resto et centre culturel (nous en reparlerons dans notre prochain article sur Bogota), nous reprenons cet article :



LA BARRA

Le long du chemin qui longe de tout prés une trés longue plage, une succession de cabanas, les unes peintes de couleurs vives, les autres laissées de bois brut, certaines 
pimpantes, d'autres précaires. Y vivent des familles presques toutes descendantes d'esclaves africains qui avaient fui leur condition pour se réfugier le plus loin possible des blancs et métis. Ca parle un espagnol fortement imprégné d'africain, c'est trés chantant, apparemment nonchalant (une nonchalance qui cache une forte énergie tout prete á se révéler á la moindre occasion), c'est accueillant sans ostantation, ca ne demande qu'á vivre en bonne intelligence avec l'étranger pour peu qu'il participe á la petite économie d'un tourisme trés sommaire.

Attention, ici le moindre achat á la tienda du coin (il n'y en a une, pour les trois ou quatre autres on n'y trouve que quelques banane, du Coca et de la biére) vous coutera trois fois plus cher qu'a Buenaventura ! 

Trouver de quoi se loger n'est pas compliqué, il suffit de demander á chaque cabana ou presque. Mieux vaut en faire plusieurs pour trouver chaussure á son pied, les prix pour une chambre peuvent varier du simple au triple, l'état de la chambre et du point d'eau-toilettes 
n'est pas proportionnel au prix demandé, ici il faut complétement revoir ses critéres d'évaluation. Pour ce qui nous concerne, nous avons opté pour la maison de la señora Maria, c'est la plus grande, elle est tout au bout du village, juste avant l'embouchure du fleuve, les chambrettes trés propres sont á l'étage, il y a un chouette terrasse couverte qui domine la placette du village, le lit est un peu dur mais équipé d'un grande moustiquaire, les toilettes sont propres, pas de douche mais une citerne emplie d'eau de pluie dans laquelle on puise avec une calebasse pour s'asperger. "C'est comme une douche", dit doña Maria et elle n'a pas tort. Le prix pour trois nuits á deux ? 75 000 pesos. Faites le calcul : 35 euros.

Pour manger : il n'y a que l'embarras du choix, les petites échoppes avec cuisine au feu de bois pullulent, on y mange du poisson, des bananes frites, du riz, de la noix de coco fraiche.
De quoi vivent les gens d'ici ?
Un peu du tourisme, mais ca reste "selon selon". 
Un peu des noix de coco avec lesquelles ont fait beaucoup de choses (on les mange, on y 
boit, on en fait diverses gateaux souvent délicieux, des chapeaux rigolos, des objets utilitaires ou de décoration, de l'huile pour la peau, etc).
Un peu du manioc et de la goyave, des citrons verts, ca reste local.
Beaucoup de la peche, c'est l'activité premiére des hommes (les femmes tiennent les cabanas et les échoppes): Dés marée descendante du matin ils partent sur leurs pirogues ou petites barques équipées de moteurs rapides et péchent au filet épervier, á celui trainé ou au lancer (sans canne, seulement le fil, un plomb, deux ou trois hamecons). Ils pechent soit dans l'océan et prés de la cote, soit dans l'embouchure du fleuve. Ils reviennent á la marée remontée.

Sont-ils riches ? De leur maniére de vivre et de l'environnement dans lequel ils vivent, oui. Pour ce qui est de l'argent, il est inconvenant d'arriver ici avec des billets de 50 000 pesos, on ne pourrait vous rendre la monnaie sauf pour payer son hébergement.

Le premier jour grand soleil, chaleur étouffante, moiteur persistante, l'eau est délicieusement 
chaude. Contemplation de la mer jusqu'á la nuit noire. Repas improvisé sur le pouce, quelques tomates, deux oeufs durs. Nous n'en revennons pas de tant de chance á etre lá.

Ensuite ?

Longues marches sur la plage jusqu'á l'embouchure du fleuve d'un bout, les rochers et falaise de l'autre. Ciel gris, fini le soleil sauf á de courtes apparitions, parfois petites pluies trés fines qui accompagnent la marée montante. Immensité des espaces, lignes horizontales des eaux, beaucoup de bois flottés échoués ou encore enracinés dans le sable. Sable gris, á certains endroits presque noir, trés fin.

Multitude de gris, de verts, lumiéres d'argent sur la mer qui monte. Bains sans fin et jeux dans les vagues déferlantes, puissantes. Griserie du jeu avec elles, de leurs chocs et enroulements. Attention au courant á mer descendante, il est traitre !

Miroirs immenses formés par le reflet de l'eau sur le sable gris ou bien béton ciré et vernis ?

Vols de pélicans qui planent en longs rubans ondulants dans les chemins de l'air et du vent. Vers le soir ils rasent de quelques centimétres la mer de leur vol en pleine puissance. Ils paraissent pourtant si lourds et empetrés, gauches dans leur démarche, la mine malheureuse quand ils se déplacent sur le sable. 

Vols de grands oiseaux noirs et effilés, trés élegants.

Nous écoutons la vie du village. Cris et agitation des enfants, c'est la période des grandes vacances, pas d'école. Ils jouent en petites bandes, les plus petits avec le sable de la rue et des objets jetés - bouteilles, récipents de plastique cassés -, les plus grands regroupés autour d'une table d'échoppe avec de gros jetons et de faux billets.

Une toute petite fille porte sur la hanche sont trés petit frére.

Deux hommes armoires á glace font des allers-retours au fleuve, ils portent á l'épaule une grande poubelle de plastique noir traversée d'une barre de bois : corvée d'eau.

Inlassablement des femmes cuisinent sur feu de bois galettes de manioc, empanadas de poulet ou de crevettes, bananes frites, riz, chorizzos.

La maison d'en face, sombre, sans couleur, sans électricité, abrite une maman et ses quatre enfants trés jeunes, ainsi qu'une toute jeune adolescente. Les villageois qui passent devant la maison ne regardent jamais dans sa direction. Les enfants paraissent souvent livrés á eux-memes, se réveillent le matin en pleurant longuement.  Ici la pauvreté est souffrance.



Ce jour lá, en fin d'aprés-midi, une lancha chargée de passagers tentent d'accoster tant bien que mal sur 
la plage. La mer est assez forte, les vagues chahutent l'embarcation moteurs coupés. Panne ? C'est ce que pense les quelques personnes présentes sur la plage. 

La lancha finit par s'échouer de la poupe, proue vers l'océan, l'aide capt'ain jette l'ancre. Elle est fortement ballotée, nous nous portons bravement á son secours, aidons d'abord les enfants á en descendre et traverser jusqu'au sable du rivage. La lancha tangue et se débat comme un gros animal qui ne veut pas rester en place. Attention á ne pas se retrouver pris sous elle !

Pendant vingt bonnes minutes, fiers sauveteurs que nous sommes, nous aidons ensuite les femmes á sauter par-dessus bord, les hommes sauf les vieux se débrouillent, puis á transporter d'innombrables bagages et sacs á provision.

Nous finissons par apprendre qu'en fait ce n'est qu'un débarquement tout á fait volontaire, certes pas trés en accord avec le lieu et l'état de la mer, et qu'on est un  groupe venu lá passer le week-end. D'ailleurs, regardez, le second du cap'tain reléve l'ancre, le capt'ain lance les moteurs et les voici tout deux repartis 
filant sur les vagues.
On rit, on est trempés, les bagages aussi et hop lá, direction les cabañas du señor Cérébro, figure presque légendaire du village !
Le lendemain, á chaque fois que nous passons prés du groupe, nous sommes trés chaleureusement salués. Y a pas á dire, la reconnaissance de naufragés ca fait chaud au coeur.



Samedi 18 janvier, 8h du matin, nous quittons La Barra pour un retour á Cali. Marche sur la plage jusqu'á Ladrillero, la mer descend. Toujours le ciel gris et les variations infinies de gris colorés dont se teintent l'océan, le ciel et le sable dans leurs reflets réciproques. Gris verts, gris violets, gris jaunes, sombres, lumineux, bleus,... pluie fine, longues coulées d'eau venant des falaises et des rochers noirs.