lundi 26 novembre 2012

Pérou, observations 2012 - art. 6 : discriminations, violences femmes et enfants


Violences faites aux femmes et aux enfants á partir de la réalité d'une ville péruvienne, celle d'Ayacucho.  

Le vendredi 25 novembre 2012, alors que nous résidons pour quelques jours dans cette ville des hauts plateaux andins, nous assistons au défilé d'associations de défense des femmes et des enfants. C'est la journée nationale contre la violence faite aux femmes (ca ne semble pas, au vue des médias, presse et TV, etre une grande cause nationale sauf sous son aspect "les petits drames du quotidien").
Nous engageons le contact avec deux associations qui nous paraissent etre les plus actives. du moins ce jour lá.

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES
Le Centro de Emergencia de la Mujer Huamanga
calle jr montessori 108

L'entretien se fait dans les bureaux de l'association.
Sont présents : 
Edith Ortez Contreras, responsable et militante bénevole, professeur á l'Université de psychologie et communication;
Victor Oriundo Medina, avocat;
Diana Lizarbe Alarcón, secrétaire de l'association. 

Synthése de leurs propos :

La situation ici á Ayacucho est un peu particuliére, elle tient á l'histoire de cette ville. Mais elle tient aussi á deux grandes causes générales au Pérou des violences faites aux femmes et aux enfants : le machisme et l'alcoolisme.
(nous faisons remarquer que ces deux causes nous ont été aussi indiqués en Bolivie)

La particularité de notre région qui en fait l'une des premiéres dans la violence faite aux femmes est qu'elle a subi plus de vingt années de violence terroriste et politique. De 1980 á 2003, ici furent les années noires du Sentier lumineux et de la répression par l'armée. La trés forte violence á laquelle furent soumises les populations a eu des conséquences sur leur vie, leurs maniéres de faire et d'étre en relation avec les autres, en particulier ceux sur qui ils ont un pouvoir de domination possible au quotidien : les femmes, les enfants. Ici la torture du fait des tesrroristes comme de l'armée et de la police était instituée, normalisée et ca a eu des conséquences dans la vie sociale et la violence familiale. 

Il y a une différence entre les villes et les campagnes mais, dans les deux cas, la pauvreté est aussi un facteur de violence. La situation est encore plus compliquée dans les campagnes oú l'accés aux moyens de défense est plus réduit, voir inexistant par endroits. Inégalité de moyens entre localités, entre régions.

L'avortement est illégal, sauf en cas de viol (tout comme en Bolivie).

Police, Justice. La police n'entend pas les violences faites, elle n'est ni sensibilisée ni formée.
(nous indiquons qu'en Bolivie il existe des sections dans chaque ville spécialisées dans les violences familiales mais que le probléme reste entier dans les villages et territoires de campagnes)
Les affaires ne sont pas suivies, elles passent de main en main et se perdent.
Les sentences sont incomplétes quand elles passent devant la justice, surtout si, au moment des faits enregistrés par la police, il n'y a pas eu présence d'une association de défense des droits.
Il n'existe pas de réelle reconnaissance des victimes, de leurs droits.
Certes il y a un organisme d'Etat "Famille - Droits de l'Homme" avec un programme national contre les violences mais il est á Lima et Lima c'est la capitale, loin des campagnes et de villes reculées comme la notre.
De plus, Lima est une ville oú la violence s'exerce le plus fortement et qui, par conéquent, mobilise le plus le peu de forces mises á disposition.
Poursuivre quand il y a assassinat est possible s'il s'agit d'un proche mais reste trés difficile en d'autres cas : la police ne poursuit pas l'enquete.

Quels sont vos moyens d'action ?

- Se référer á la Constitution et au programme national "fiscalia familia" pour exiger la protection des victimes et la judiciarisation des délits.
- Faire appel, quand il y en a un, au "commissaire de la famille" pour engager les moyens policiers et d'investigation.
- Etablir des liens soutenus entre associations, suivre á plusieurs un meme cas, faire information et publicité.
- Ici, á Ayacucho, nous avons la chance d'avoir un ministére local, une justice et une police regroupés sous une meme direction, notre travail en est considérablement renforcé.
- Agir au niveau gouvernementale pour améliorer et renforcer l'information.
- Ici existe un lieu refuge d'accueil pour les femmes battues mais il ne peut accueillir que trois ou qutre personnes, ce qui est trés insuffisant.

Y a t-il du racisme au Perou ?

rires : nous sommes tous bruns de peau !
(nous faisons remarquer qu'en Bolivie le racisme se manifeste vis á vis des indigénes et des populations des campagnes)
Ici, c'est la ville contre la campagne, les gens des campagnes sont méprisés par les grandes villes.
Il y a un probléme pour la vie démocratique : les campagnes étaient les territoires d'action et de refuge du Sentier lumineux, de lá á en faire les alliées des terroristes... Il n'est pas assuré qu'en cas de forte contestation sociale et politique par les populations des campagnes, l'armée ne retrouve pas ses vieilles habitudes qui sont d'abord celles de la répression brutale.
Le Pérou est encore tourné vers son passé, n'a pas encore fait véritablement  oeuvre de mémoire historique. Heureusement, il a sign'e tous les protocoles internationaux concernant les droits de l'Homme et du citoyen.

Depuis cette rencontre, nous avons appris qu'un racisme trés important s'exerce á l'encontre des noirs (descendants d'esclaves) qui représentent 7% de la population. C'est parmis eux que l'on trouve la plus forte proportion de pauvres et trés pauvres. Ils sont relégués aux taches de domestiques, trés prisés par la grande bourgeoisie qui les trouve seyants en uniformes de majordomes et servantes. Ils occupent aussi les fonctions de porteurs de cercueils et de majordomes dans les grands hotels : "la clientéle apprécie", disent les patrons.

Voir aussi ci-aprés : "Le racisme est une des pires formes de violence". 

Et la corruption ? 

Elle est en grande partie le fait du gouvernement Fujimori qui a institué la corruption comme mode de gouvernance. L'Etat n'a toujours pas les moyens de lutter efficacement : elle agit comme la maffia, en s'infiltrant sous des formes différentes dans toutes les institutions.
Dns notre pays, il n'y a pas de conscience politique étendue (notre ami au Chili nous faisait la meme observation), ni conscience des valeurs comme celles qui ont trait au bien commun. Les groupes de corruptions s'introduisent dans tous les secteurs, jouent des luttes et alliances politiques.

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Nous rencontrons ensuite CÉCILE
LA VIOLENCE FAITE AUX ENFANTS

Cécile est une jeune francaise, volontaire pour 9 mois dans une association franco-belge, La Casa de Ogars. Elle est rémunérée par l'Etat francais dans le cadre d'une mission "service civique".

La Casa de Ogars est une ONG foyer d'accueil pour 30 orphelins dont 14 enfants handicapés, seul foyer de ce genre á Ayacucho. Je croise aussi mon activité dans ce foyer avec un foyer d'acceuil de jour pour enfants des rues.

5% des enfants de la ville sont dans la rue. Ils sont envoyés en ville par leur famille qui rompt ensuite tout contact, ils sont donc livrés totalement á eux-memes. Ici, au centre ville, on ne les voit pas donc ils n'existent pas. Ils vivent dans les rues des quartiers périphériques, les nuits sont trés froides, c'est dur, ils sniffent la colle... Les plus jeunes ont 9 ans. Beaucoup ont subi des traumatismes, mauvais traitements, manques de soins, malnutrition, sévices sexuels. A partir de 14 ans les filles sont en grand risque de violences sexuelles. 

Les handicapés au Pérou sont sans ressource, sans soutien. 95 % des péres auittent le foyer familial si la mére met au monde un enfant avec un handicap corporel ou mental.

L'avortement pour viol est difficile á obtenir. Il y a blocage de la police ou du judiciaire, quand l'un poursuit l'autre s'oppose ou ne suit pas.  
    
Une action exemplaire.
Le mouvement vient des enfants qui sont informés de leurs droits par l'UNESCO. Un parlementaire congressiste, informé lui aussi par l'UNESCO, est venu visiter notre orphelinat. Les enfants lui ont présenté leurs requetes et lui ont fait signer un engagement á communiquer leur situation et leurs demandes auprés du Congrés national, ce qu'il a fait. Suite á celá, s'est tenue une réunion á laquelle étaient présents ce parlementaire, le président du Congrés et huit enfants délégués pour commencer á mettre en place un programme nationale pour les orphelins, handicapés et enfants des rues.

Vous etes soutenus par la municipalité ?
Elle ne soutient pas, elle autorise que nous fassions information.

Votre principale difficulté ?
Le trop grand turn over des volontaires.

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Plus de 300 méres de Huánuco dénoncent des abus sexuels contre leurs enfants
in le quotidien La Republica du 23/11/2012

Des associations se créent et exigent justice pour  que des cas soient instruits. Plus de 1 300 jeunes filles seraient abusées dans le territoire.
La Commission de la femme et de la famille du Congrés veut amplifier la loi qui sanctionne les agresseurs de femmes.
Au Pérou, sept femmes meurent tous les mois á caude de la violence.
(...) "Notre désir de justice est plus grand que la douleur que nous éprouvons", dit Liliana Espinoza Rodriguez, représentante de Tamar (association de défense des femmes). "Nous ne pouvons plus voir circuler librement les agresseurs de nos enfants, il n'y a pas de justice. Les cas sont classés et les accusations déclarées sans fondement."
Pour cette raison, les associations se rencontrent actuellement á Lima, le Congrés est interpellé avec le concours de diverses ONG. Et le pouvoir Judiciaire ?
"Nous espérons qu'il va se prononcer. Il n'est pas possible que ces femmes se voient obligées de venir á Lima pour recevoir justice", dit le représentant de la Coordination Nacional des Droits de l'Homme ( Ronald Gamarra).
Plus de 90% des cas de violence sexuelle au niveau national sont classés et terminent dans l'oubli. A Huanuco, le Tamar accuse de responsabilité et d'impunité le Président de la Cour Supérieure de Huanuco, Jorge Picón.
Et ce n'est pas tout. En 2011 plusieurs ONG présentent au Conseil National de la Magistrature une accusation concernant J. Picon pour falsification de documents.
Le résultat fut une demande de J. Picon de 3 millions de soles contre cinq ONG pour "atteinte á son image".
(...) Le Ministére de la Santé a calculé que 39 % des femmes au Pérou sont victimes de violences physiques et sexuelles en partie du fait de leurs époux et compagnons.

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"Le racisme est une des pires formes de violence"
in La Republica du 23/11/2012
Entretien avec Tarcira Rivera, fondatrice de Chirapaq, Centre des cultures indigénes du Pérou
journaliste : Beatriz Jiménez

- Quelle forme de violence as-tu subie au cours de ta vie ?
Je viens d'une petite communauté de Vilcashuamán, une des provinces qui connait le plus l'extreme pauvreté. Les femmes qui ont fondé Chirapaq (en queschua : centaines d'étoiles)ont connu les contextes de violence que d´já nos grands-méres, nos méres ont vu passer sur la tete de leur famille á travers les générations de communautés. Prés de quarante ans d'activisme pour les droits des femmes indigénes m'ont conduit á la conclusion que la pire forme de violence n'est pas celle physique mais celle qui s'inscrit comme structure historique. Que nous ne soyons pas considérées comme personne, comme citoyenne, comme chacun avec les memes droits.
(...) Dans toutes les parties du monde, les femmes indigénes sont toujours á la marge.
(...) Le probléme des déplacements pour les concessions miniéres, pétroliféres, de gaz crée une totale vulnérabilité pour les femmes indigénes. Que se passse-t-il avec les adolescentes ? Elles sont exploitées sexuellement par des mafias ou exploitées dans le travail. 
Une autre grande forme de violence est l'exclusion de la scéne politique et publique. Quelles opportunités avons-nous pour accéder á une éducation de qualité ? Aucune jeune fille indigéne d'Ayacucho ou de Cajamarca ne termine ses études secondaires et a la possibilité d'accéder á des études universitaires.
(...)
- L'art comme forme de lutte supérieure contre la violence fait partie de ton expérience. 
Les espaces pour l'art dans les communautés populaires d'Ayacucho, auxquels participent les garcons et filles dans leurs luttes contre les violences qui leurs sont faites, sont aussi des espaces de reconquete de la culture queschua. Nous commencons par peindre des hélicoptéres, des militaires... au bout de six mois, neuf mois, un an, nous commencons á peindre sur des sols, pour des carnavals... Grace á cette expérience, nous libérons du positif qui s'étend sur les fréres et soeurs, nous affirmons leur identité, nous récupérons de la dignité et accédons á l'éducation non pas "des pauvres" mais de celle qui affirme leurs capacités.
Nous voulons récupérer la valeur du respect mutuel. Les meilleurs causes valent quand elles sont des points d'équilibre.


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