lundi 14 janvier 2013

LA BARRA - JUANCHACO- BUENAVENTURA

... ou plutot, nous devrions dire dans l'ordre :  
Buenaventura, Juanchaco, Ladrilleros, La Barra

Ami lecteur, voici l'une des principales raisons de l'interruption relative, ces derniers temps, de nos messages sur ce blog : quatre jours dans un village assez perdu entre la forët tropicale et l'ocean Pacifique, LA BARRA.

Les guides de voyage (Petit Futé, Lonely) se gardent d'indiquer cette destination : la region de la Cauca et principalement tous les territoires couverts de foret et inaccessibles par route ou piste furent, il y a peu encore, sous domination des FARC. Quelques bandes armées, en fait au service des cartels de la drogue, y demeurent encore mais de facon trés résiduelle et l'armée, trés présente, controle bien la situation. On peut donc s'y rendre sans crainte de danger particulier et á condition de s'etre informé préalablement auprés de l'Info Tourismo ou de l'Hospedaje Tostaky (voir article précédent sur Cali) qui sont d'excellent conseil.

Cet article risque fort d'etre un peu touffu voir meme confus... Pour nous y retrouver un peu et tenter d'apporter un peu de lisibilité á ta lecture, nous utiliserons des polices de caractéres différentes selon tel ou tel chapitre.

Mercredi 9 janvier 2013, mini-bus pris du terminale de Cali vers 8h matin, destination Buenaventura, 115 km, 3h de trajet. La route est trés belle, elle traverse la sierra Occidentale, alternant versants secs et versants puis vallée á la riche végétation tropicale et parfois grandes villas et haciendas.
Les derniers 40 km sont éprouvants : énormes travaux d'aménagement d'une future 4 voies, tunnels et ponts en chantier, le tout commencé en 2007 et devant s'achever en 2020. Oui, tu as bien lu camarade lecteur : 13 ans de travaux ! Tu peux alors imaginer les difficultés du terrain : gorge étroite et profonde, versant de montagne en pente abrupte et offrant toutes les caractéristiques pour éboulements et glissements de terrain, passage incessant d'énormes camions allant et venant du port de Buenaventura sur une deux pistes défoncée se réduisant réguliérement á une seule piste  á passages en alternance. 


BUENAVENTURA  port mythique


Située dans une grande baie ouverte au Pacifique, elle est le premier port de la Colombie sur cet océan. Pas moins de 66% du commerce colombien y transite et pourtant elle ne paie pas de mine : elle n'est pas bien grande, apparait assez vétuste, déglinguée dans les faubourgs et vers les quais. Mais quelle ambiance ! Personnellement, nous on aime cette agitation trés laborieuse,  ce coté "c'est ici que finit la terre et que commence... que commence ?... un autre monde ?". Rues et maisons, gargottes et petits commerces ont un coté improbable. Et puis il y a de sacrés trognes de marins, dockers, gens de mer et gens de 
port ! La trés grande majorité de la population est noire, 88 %.

Bon, donc on va jusqu'au quai d'embarquement pour Juanchaco. Lá on prend un billet, on attend qu'une lancha soit prete á partir puis, avec quarante autres passagers on embarque.
Une lancha c'est une grosse barque couverte d'une bache qui protége du soleil ou de la pluie.  Elle est propulsée - le verbe n'est pas trop fort - par deux moteurs hors-bord trés puissants. Les hardis caboteurs sont assis par rangs de cinq sur des bancs de bois, face á la proue. Les moteurs sont lancés, la proue se dresse hors de l'eau, les vagues frappent brutalement la coque, c'est parti, allez zou ca fonce ! Comme un foulard de vent dans les cheveux.

Pendant une heure et quart vous longez de prés la cote ou plutót la foret tropicale, dense, impénétrable. Vous faites aussi la course avec les pélicans, ils adorent ca.
Décélération brusque, voici Juanchaco et sa jetée. Débarquement cahotant des navigateurs et de leurs bagages.


Juanchaco, Ladrillero, LA BARRA


Trois villages situés successivement sur la cote, de plus en plus petits, de plus en plus sommaires pour ce qui est de leurs aménagements et habitats. En fait, des barraques de bois sur pilotis. La plupart des touristes vont rester la journée, d'autres vont d'abord chercher abri dans une pension ou un hotel de Juanchaco ou Ladrillero, les amoureux d'immense plage perdue au bout du bout irons jusqu'á La Barra.

De Juanchaco á Ladrillero on fait soit á pied (50 mn) soit en taxi-tracteur (une grande charette avec bancs de bois tractée par le sus-dit, 2000 pesos). De Ladrillero á La Barra, trois possibilités : á pied par la plage á condition que la mer soit suffisamment basse (40 mn), par le chemin défoncé et raviné (50mn), en moto-taxi (15 mn, 10 000 pesos, les habitants osent y chevaucher á trois).
suite bientot. Notre ami Juan et sa compagne Janeth viennent d'arriver. il est 7h du matin, nous travaillions á cet article depuis notre arrivée ce matin 4h30 (quand on vous dit que c'est du boulot !) au terminal de bus de Bogota. Bises ! 
.................................................................................................................................................................
...8h aprés, douillettement installés dans le grand et clair appartement des deux amis, rassasiés d'un excellent repas pris au as6ismanos, resto et centre culturel (nous en reparlerons dans notre prochain article sur Bogota), nous reprenons cet article :



LA BARRA

Le long du chemin qui longe de tout prés une trés longue plage, une succession de cabanas, les unes peintes de couleurs vives, les autres laissées de bois brut, certaines 
pimpantes, d'autres précaires. Y vivent des familles presques toutes descendantes d'esclaves africains qui avaient fui leur condition pour se réfugier le plus loin possible des blancs et métis. Ca parle un espagnol fortement imprégné d'africain, c'est trés chantant, apparemment nonchalant (une nonchalance qui cache une forte énergie tout prete á se révéler á la moindre occasion), c'est accueillant sans ostantation, ca ne demande qu'á vivre en bonne intelligence avec l'étranger pour peu qu'il participe á la petite économie d'un tourisme trés sommaire.

Attention, ici le moindre achat á la tienda du coin (il n'y en a une, pour les trois ou quatre autres on n'y trouve que quelques banane, du Coca et de la biére) vous coutera trois fois plus cher qu'a Buenaventura ! 

Trouver de quoi se loger n'est pas compliqué, il suffit de demander á chaque cabana ou presque. Mieux vaut en faire plusieurs pour trouver chaussure á son pied, les prix pour une chambre peuvent varier du simple au triple, l'état de la chambre et du point d'eau-toilettes 
n'est pas proportionnel au prix demandé, ici il faut complétement revoir ses critéres d'évaluation. Pour ce qui nous concerne, nous avons opté pour la maison de la señora Maria, c'est la plus grande, elle est tout au bout du village, juste avant l'embouchure du fleuve, les chambrettes trés propres sont á l'étage, il y a un chouette terrasse couverte qui domine la placette du village, le lit est un peu dur mais équipé d'un grande moustiquaire, les toilettes sont propres, pas de douche mais une citerne emplie d'eau de pluie dans laquelle on puise avec une calebasse pour s'asperger. "C'est comme une douche", dit doña Maria et elle n'a pas tort. Le prix pour trois nuits á deux ? 75 000 pesos. Faites le calcul : 35 euros.

Pour manger : il n'y a que l'embarras du choix, les petites échoppes avec cuisine au feu de bois pullulent, on y mange du poisson, des bananes frites, du riz, de la noix de coco fraiche.
De quoi vivent les gens d'ici ?
Un peu du tourisme, mais ca reste "selon selon". 
Un peu des noix de coco avec lesquelles ont fait beaucoup de choses (on les mange, on y 
boit, on en fait diverses gateaux souvent délicieux, des chapeaux rigolos, des objets utilitaires ou de décoration, de l'huile pour la peau, etc).
Un peu du manioc et de la goyave, des citrons verts, ca reste local.
Beaucoup de la peche, c'est l'activité premiére des hommes (les femmes tiennent les cabanas et les échoppes): Dés marée descendante du matin ils partent sur leurs pirogues ou petites barques équipées de moteurs rapides et péchent au filet épervier, á celui trainé ou au lancer (sans canne, seulement le fil, un plomb, deux ou trois hamecons). Ils pechent soit dans l'océan et prés de la cote, soit dans l'embouchure du fleuve. Ils reviennent á la marée remontée.

Sont-ils riches ? De leur maniére de vivre et de l'environnement dans lequel ils vivent, oui. Pour ce qui est de l'argent, il est inconvenant d'arriver ici avec des billets de 50 000 pesos, on ne pourrait vous rendre la monnaie sauf pour payer son hébergement.

Le premier jour grand soleil, chaleur étouffante, moiteur persistante, l'eau est délicieusement 
chaude. Contemplation de la mer jusqu'á la nuit noire. Repas improvisé sur le pouce, quelques tomates, deux oeufs durs. Nous n'en revennons pas de tant de chance á etre lá.

Ensuite ?

Longues marches sur la plage jusqu'á l'embouchure du fleuve d'un bout, les rochers et falaise de l'autre. Ciel gris, fini le soleil sauf á de courtes apparitions, parfois petites pluies trés fines qui accompagnent la marée montante. Immensité des espaces, lignes horizontales des eaux, beaucoup de bois flottés échoués ou encore enracinés dans le sable. Sable gris, á certains endroits presque noir, trés fin.

Multitude de gris, de verts, lumiéres d'argent sur la mer qui monte. Bains sans fin et jeux dans les vagues déferlantes, puissantes. Griserie du jeu avec elles, de leurs chocs et enroulements. Attention au courant á mer descendante, il est traitre !

Miroirs immenses formés par le reflet de l'eau sur le sable gris ou bien béton ciré et vernis ?

Vols de pélicans qui planent en longs rubans ondulants dans les chemins de l'air et du vent. Vers le soir ils rasent de quelques centimétres la mer de leur vol en pleine puissance. Ils paraissent pourtant si lourds et empetrés, gauches dans leur démarche, la mine malheureuse quand ils se déplacent sur le sable. 

Vols de grands oiseaux noirs et effilés, trés élegants.

Nous écoutons la vie du village. Cris et agitation des enfants, c'est la période des grandes vacances, pas d'école. Ils jouent en petites bandes, les plus petits avec le sable de la rue et des objets jetés - bouteilles, récipents de plastique cassés -, les plus grands regroupés autour d'une table d'échoppe avec de gros jetons et de faux billets.

Une toute petite fille porte sur la hanche sont trés petit frére.

Deux hommes armoires á glace font des allers-retours au fleuve, ils portent á l'épaule une grande poubelle de plastique noir traversée d'une barre de bois : corvée d'eau.

Inlassablement des femmes cuisinent sur feu de bois galettes de manioc, empanadas de poulet ou de crevettes, bananes frites, riz, chorizzos.

La maison d'en face, sombre, sans couleur, sans électricité, abrite une maman et ses quatre enfants trés jeunes, ainsi qu'une toute jeune adolescente. Les villageois qui passent devant la maison ne regardent jamais dans sa direction. Les enfants paraissent souvent livrés á eux-memes, se réveillent le matin en pleurant longuement.  Ici la pauvreté est souffrance.



Ce jour lá, en fin d'aprés-midi, une lancha chargée de passagers tentent d'accoster tant bien que mal sur 
la plage. La mer est assez forte, les vagues chahutent l'embarcation moteurs coupés. Panne ? C'est ce que pense les quelques personnes présentes sur la plage. 

La lancha finit par s'échouer de la poupe, proue vers l'océan, l'aide capt'ain jette l'ancre. Elle est fortement ballotée, nous nous portons bravement á son secours, aidons d'abord les enfants á en descendre et traverser jusqu'au sable du rivage. La lancha tangue et se débat comme un gros animal qui ne veut pas rester en place. Attention á ne pas se retrouver pris sous elle !

Pendant vingt bonnes minutes, fiers sauveteurs que nous sommes, nous aidons ensuite les femmes á sauter par-dessus bord, les hommes sauf les vieux se débrouillent, puis á transporter d'innombrables bagages et sacs á provision.

Nous finissons par apprendre qu'en fait ce n'est qu'un débarquement tout á fait volontaire, certes pas trés en accord avec le lieu et l'état de la mer, et qu'on est un  groupe venu lá passer le week-end. D'ailleurs, regardez, le second du cap'tain reléve l'ancre, le capt'ain lance les moteurs et les voici tout deux repartis 
filant sur les vagues.
On rit, on est trempés, les bagages aussi et hop lá, direction les cabañas du señor Cérébro, figure presque légendaire du village !
Le lendemain, á chaque fois que nous passons prés du groupe, nous sommes trés chaleureusement salués. Y a pas á dire, la reconnaissance de naufragés ca fait chaud au coeur.



Samedi 18 janvier, 8h du matin, nous quittons La Barra pour un retour á Cali. Marche sur la plage jusqu'á Ladrillero, la mer descend. Toujours le ciel gris et les variations infinies de gris colorés dont se teintent l'océan, le ciel et le sable dans leurs reflets réciproques. Gris verts, gris violets, gris jaunes, sombres, lumineux, bleus,... pluie fine, longues coulées d'eau venant des falaises et des rochers noirs.





































   

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire