lundi 21 janvier 2013

BOGOTA UNO, arrivée, un peu d'histoire, se repérer, la dangerosité

Article écrit le mardi 22 janvier 2013, neuf jours aprés notre arrivée.
Il contient : 
- l'émotion de l'arrivée
- une trés bréve histoire de la Colombie
- comment se repérer dans cette trés grande ville
- une bréve présentation des quartiers du centre
- une ville au meilleur développement urbain 2000-2010
- un ou deux conseils quant aux dangers supposés comme ceux réels


Bogota UNO parce que, ami lecteur, des articles DOS, TRES,... Mais pour le moment contentons-nous du uno et arrivons dans la ville.

lundi 14 janvier, il est 4h 30 du matin...

le bus en provenance de Cali entre dans le Terminale de la capitale colombienne et, pour la première fois de notre parcours, toutes les boutiques y sont ouvertes. C'est qu'arrivées et départs n'y cessent nuit et jour.

Tu t'en doutes bien, les premières envies du voyageurs à cette heure oú l'aube n'a point encore clignée de l'oeil c'est :
1 - faire pipi
2 - prendre un p'tit déj'
Une fois ces premières formalités faites, nous nous installons devant deux postes internet. Devines pour y faire quoi ? Oui, bravo, pour y travailler au blog ! Et c'est absorbés dans cette noble tache que nos amis Juan et Janeth nous surprennent vers 7h. 
photo Juan Manuel Silva
 
Effusions, embrassades, bref : émotion puis locomotion... nous voici chez eux, un grand appartement très clair dans le quartier plutot chic et arboisé de l'Independencia, au centre nord de la ville, sous la montagne. Re-p'tit dej', plein de fruits ! salade de mangues, bananes, pommes, poires, ananas, papaye et autres fruits étranges et délicieux... Nous sommes en terre de douceurs, nous nous laissons aller aux premières découvertes de cette très grande ville, de ses restaurants qui sont aussi parfois de vrais centres culturels, ses marchés aux fruits et aux poissons, crevettes, crustacés, ces salons de chocolat, nous sombrons dans la luxure et la gourmandise.

Dans l'article TRES ou QUARTO sur Bogota nous ferons l'inventaire de toutes les bonnes adresses. Pour le moment, entrons plus avant dans une présentation générale de la ville.

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Un poco de historia ?

Si non, comment comprendre un tout petit peu la situation actuelle du pays et de sa capitale ?

Quand nos amis les Conquérants arrivèrent, la région de l'actuelle Bogota était habitée par les Muisca, équivalents en civilisation et culture aux Aztèques et Incas (pour dire vite; nous serons plus détaillés et précis quand nous te parlerons du museo del oro).

Les Muiscas croyaient en l'harmonie de la nature. On se demande oú les sauvages allaient chercher de telles âneries ! Fort heureusement, nos amis les civilisateurs se chargèrent très vite de leur apprendre les justes valeurs. Jimenez de Quesada, leur chef, était un homme de décision : le sort des indigènes fut réglé en quelques bons coups d'épée et de canon. On en garda quand même suffisamment pour servir d'esclaves.  Les massacres de population avaient commencé  mais rassures-toi lecteur cette solide tradition allait se perpétuer jusqu'au vingtiéme siècle.

Donc, Jimenez fonde Santa Fé. Santa Fé ?! Ben oui, la ville s'appelle d'abord comme ça, on lui ajoutera de Bogota que plus tard, du nom d'un grand cacique idien - Bacatá, señor de la Sabana. Avant la proclamation de l'Indépendance (1819, le grand, le mythique Simon Bolivar !), Sante fé de Bogota devient la capitale de la Grande Colombie qui réunissait l'actuelle Colombie + le Venezuela + le Panama + l'Equateur.

En 1830, le rêve de Simon Bolivar de voir se fonder les Etats Unis d'Amerique latine sombre dans les luttes intestines et la dislocation. En 1863 une nouvelle Constitution est promulguée, elle consacre les principes du libéralisme : liberté de déclarer la guerre entre Etats, liberté totale du commerce (y compris des armes), liberté de la presse et de l'instruction, séparation de l'Eglise et de l'Etat.

Ce n'est qu'en 1886, avec une Constitution dont Raphael Nuñez est le maitre d'oeuvre, que le pays entre dans une période de relative stabilité politique et économique avec un pouvoir autoritaire qui gouvernera jusqu'en 1930. Ca n'empêche pas quelques grands massacres, comme la guerre des 1000 jours (1899 - 1902), tentative de prise du pouvoir par les libéraux, qui permit d'éliminer 100 000 personnes, 2,5% de la population du pays.

En 1930 les libéraux prennent le pouvoir sur les conservateurs, le pays prospère, un classe ouvrière se crée et avec elle des syndicats; syndicats qui sont - c'est dans la logique des choses - fortement réprimés par le pouvoir; il se crée aussi un Partie communiste ou plutôt un Parti socialiste révolutionnaire.  

1946 à 1957, La Violencia, la période la plus absurde et sanglante de l'histoire contemporaine colombienne. Une guerre civile qui fait plus de 300 000 morts et dévaste des territoires entiers. Elle est déclanchée par les conservateurs qui reprennent le pouvoir et n'ont de cesse de liquider tout ce qui ne pense pas comme eux. Bogota est le centre des soulévements populaires qui tentent de s'opposer, elle est mise á feu et á sang.

1958 á 1974, le pays est en continuel état de siége : les insdistries nationales passent aux mains des investisseuers étrangers, les gros propriétaires fonciers exproprient les paysans et accumulent de vastes territoires. C'est dans cette période qu'est crée le Département administratif de sécurité (DAS), police secréte et militaire chargée de controler la population. Les taux d'abstention aux élections atteignent des records : 62% en 1978. L'insécurité et la violence politiques d'Etat sont devenues le mode normalisé de gouvernance.

C'est dans ce contexte que vont naitre dans les années soixante les FARC (plutot pro-soviétique au départ), une guérilla d'abord rurale, ensuite le ELN (plutot pro-cubaine) et le EPL(maoiste), puis dans les années 70 le M19 (mélange de nationalistes, populistes et de gauches) dans les zones urbaines, des guérillas toutes trés différentes les unes des autres. La lutte entre ces mouvements et l'armée est terrible : assassinats, détentions arbitraires, tortures, liquidation de populations paysannes. Il y a bien une tréve de 1982 á 1985, pendant laquelle seuls les FARC acceptent de participer au gouvernement de Betancur Cuartas, convaincu de l'impossibilité de vaincre la guerilla par la force, mais entre le 6 et 9 novembre 1985, le M19 occupe le Palais de justice, tient en otages plusieurs magistrats, la risposte de l'armée tourne au massacre.

1990, César Trujillo accéde á la présidence, la Constitution de 1991 (jusau'alors inchangée depuis le 19e s.) est un nouveau pacte démocratique. Le M19 accepte de participer á la constituante. Mais la corruption gagne toutes les sphéres de l'Etat. La guerrilla (rendue trés largement á la production et au trafic de la drogue ) reprend et avec elle les exactions des deux cotés.

2002, Alvaro Uribe est élu avec un programme de forte autorité et de fermeté. Terminé le dialogue avec les guerilleros, on passe á une vaste offensive avec l'appui logistique et financier des USA. La lutte est sans merci, le FARC connait des échecs importants et se trouve considérablement réduits en nombre, les principaux chefs sont tués. C'est un succés mais á quel prix ? Celui d'exactions terribles de la part de l'armée et surtout des paramilitaires. Des villages entiers sont écrasés, les paysans, syndicalistes, militants de gauche et d'extreme gauche sont considérés comme alliés des guerilleros, le régime au pouvoir est d'extreme droite et ne le cache pas. On compte entre 200 000 et 300 000 morts. Mais aussi : l'économie du pays fait un bond en avant, les entreprises et propriétaire fonciers prospérent, la calsse moyenne se fortifie.

2010, Juan Manuel Santos succéde á Uribe, il fut ministre de la Défense de 2006 á 2009. On pouvait crainde la continuation d'une main de fer, il n'en est rien pour le moment, les négociations entre les FARC et le gouvernement sont en bon chemin, la société civile est respectée, le pays connait enfin une voie de démocratie possible. Pour autant, le nombre de déplacés - on appelle ainsi ceux qui ont du fuir leur région sous la violence guerilla et paramilitaire - pése trés lourd dans la vie du pays, la violence est forte dans la société, la pauvreté est encore trés lourde.

Je suis allé trés trés vite, que mes amis Colombiens et tous ceux goutant l'histoire veuillent bien m'en excuser.

Sans doute étais-tu déjá informé, ami lecteur, de cette invraisemblable histoire qui est celle de ce pays mais il est salutaire de nous répéter encore et encore ce qui peut faire qu'une société se construise pour mode de vie et de pensée celui de la violence et de l'absence d'état de droit. Les Colombiens ont incroyablement souffert de l'arbitraire et de la loi du plus fort comme de celle des armes . Ceux que nous rencontrons ne parlent pas que de celá - fort heureusement ! - mais quand ils en parlent c'est encore avec cette trés forte douleur dans le corps et la mémoire. Ce pays, ceux qui y vivent, sont d'une formidable énergie et d'une joie étonnante (aïe aïe aïe la musique, le chant, la danse !!! nous y reviendrons). Ils disent d'eux-memes : "notre pays est fait de violence et de générosité. Cette contradiction est trés forte á porter, la Colombie est á apprendre á aimer. "


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Se repérer dan Bogota est chose facile.

Plusieurs facteurs y concourent :

Le premier, les hautes collines du nord au sud sous lesquelles la ville s'est logée. Oú qu'on soit dans la cité elles sont, au moins en partie, visibles. Au sommet de la plus haute, l'église de Monserrate, toute blanche, et le funiculaire qui en descend. C'est au pied de cette colline que Santa Fé pas encore Bogota s'est peu á peu crée, avec le quartier de la Candelaria, l'actuel centre, puis étendue.

Le second, le réseau quadrillé des rues, avec des avenues - les Carreras - qui sont orientées du nord au sud, et des rues - les Calles - orientées d'est en ouest.
Ormis dans la Candelaria, les Carreras et Calles ne portent pas de nom mais des numéros. C'est d'ailleurs ainsi dans toute la Colombie. C'est un peu déroutant au début mais on s'y fait trés vite et, en fait, ca simplifie les choses : 
- les numéros des Carreras sont des cardinaux (Carrera unima, carrera docima, carrera trecima, etc...); les numéros des Calles sont des ordinaux (Calle uno, calle dos, calle tres, etc...).
- les numéros des Carreras croissent d'est en ouest en partant des collines, ceux des Calles croissent vers le nord ou vers le sud en partant du centre.

Le troisiéme, ses habitants. Il suffit en effet de paraitre un peu perdu pour que trés vite quelqu'un vous propose son aide, souvent meme vous accompagne un bout de chemin pour vous mettre vers la bonne destination. Ne pas hésiter non plus á s'adresser aux policiers et jeunes auxiliaires de police, ils sont trés serviables. Une précision qui peut etre importante : en Colombie la police ne connait plus la corruption. Tenter d'échapper á une contravention en glissant un billet entraine illico une trés forte amende.

La ville est á 2500 m d'altitude, son climat varie peu. La température peu descendre la nuit assez bas, le jour il fait entre 10° et 20°, c'est donc plutot frisquet... Dans l'aprés-midi il est trés fréquent que le beau ciel bleu du matin se couvre et que les hautes collines se couvrent d'une brume trés dense et d'un gris sombre presque bleu nuit. Les lumiéres du ciel, quel que soit le temps, sont superbes et font chanter differemment selon l'heure les hautes tours de la ville ainsi que les hauts arbres du parc de la Independencia.

Bogota est immense et compte aujourd'hui plus de 8 millions d'habitants (100 000 il y a un siécle). Elle est bien desservie en taxi et lignes de bus. Enfin des taxis (les jaunes, ne pas prendre les autres, ca peut etre dangereux surtout la nuit) qui ont un compteur et qui le respectent ! A deux ou trois passagers ca ne coute guére plus que le bus.


Les quartiers du centre ont pour noms  :


La Candelaria, centre historique, quantité de petits restos et hotels ou auberges pour touristes et routards, théatres, trés chouettes maisons de toutes couleurs et belles peintures murales;  
La Concordia, ca grouille de monde, ca fait des affaires, ca vend et ca achéte, il y a meme, le long des murs de la Iglesia San Francisco, tout prés du museo del moro, des indiennes qui fabriquent et vendent de trés beaux bijous en perles ("lá, faut pas négocier mais payer le prix demandé", dit notre ami Juan).
Santa Barbara, oú logent les ministéres et la résidence présidentielle;
Egipto, qui monte vers le funiculaire, avec aussi la maison de Simon Bolivar;
La Capuchina et le grand marché de San Victorio;
Germania, un quartier moderne;
San Victorino, encore un quartier de commerces, trés populaire;
Bosque Izquierdo et La Independencia,  le grand parc de la Independencia, les facultés, les arénes (le maire actuel a interdit les mises á mort de taureaux), de chouettes maisons, des restos, des cafés, des arbres,...
San Martin, qui jouxte Independencia, un quartier beaucoup plus populaire;
Alameda et ses grandes tours et immeubles trés modernes.



Une ville qui a recu la palme du meilleur développement urbain de la décennie 2000 2010 par les Nations Unies.


L'image qui traine encore (elle trainait dans ma tete, pauvre tete !) d'une ville misérable et trés dangereuse ne correspond plus á la réalité, sauf peut-etre pour la dangerosité nous y reviendrons.

Les différents maires qui se sont succédés depuis bientot vingt ans ont réllement contribué á faire de la capitale une belle ville moderne et qui respecte son patrimoine. Seul l'avant-dernier fut un escroc, il est maintenant en prison avec quelques-uns de ses premiers adjoints et purge une lourde peine pour détournements de fonds publics.

Maisons et batiments de l'époque coloniale, du 19e, des différentes architectures du 20e, trés grandes tours dont plusieurs trés belles (l'une d'entre elle devient la nuit une immense colonne de lumiéres animées dont le programme change chaque nuit) mais aussi places et parcs s'y cotoient ou s´y alternent.

La ville est propre, les artéres sont entretenues, seuls les trottoirs restent improbables (plaques de conduites souterraines disparues parce que volées, ruptures de revetement quand ce n'est pas du trottoir lui-meme).


Ah, et la dangerosité !? 


Hé bien, un pays ne peut avoir connu une histoire d'une telle violence sans qu'il en demeure effectivement une violence sociale.

Souviens-toi, lecteur, de notre article sur Ayacucho au Pérou, ville de naissance du Sentier lumineux et ville oú, aujourd´hui encore, les violences faites aux femmes et aux enfants sont parmi les plus fortes du pays aprés Lima. La pauvreté á Bogota est encore trés réelle, les quartiers que nous n'avons pas cités, ceux au-delá du centre, sont effectivement dangereux et pas seulement pour les touristes mais pour les Bogotais eux-memes.  Nous en avons-nous memes été victimes, attaqués par trois voyous qui, en plein jour et sous la menace d'un couteau, nous ont dérobé notre pourtant trés petit et trés discret appareil photo. Nous n'avions connu aucun probléme de ce genre depuis le début du voyage et, pourtant, nous en avons traversé des villes et quartiers réputés dangereux ! Bon, voilá, il a fallu que ca arrive ici...  

Commemt s'en préserver, autant que faire ce peut ? En écoutant ce que disent les Bogotais, ce que dit la police, ce que dit ta propre intuition... C'est pas facile parce que les limites de territoires danger-pas danger sont floues, souvent peu repérables. Et puis ne pas tomber non plus dans la psychose de la dangerosité.


Bref, aimer Bogota, ce que nous apprenons á faire chaque jour et elle nous le rend bien.

photo J. M. Silva
deux oeuvres de Eddy Galvis dans la série "El rostro como signo"
á laquelle nous consacrerons un article dans Bogota DOS 

 







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